« Abou Leila », le trip solaire et fantasmatique d’Amin Sidi-Boumédiène

En confrontant ses deux antihéros aux mirages ineffables du Sahara, le cinéaste algérien Amin Sidi-Boumédiène signe un audacieux premier long métrage. Nous sommes en 1994, pendant la décennie noire d’une Algérie confrontée aux attaques islamistes. Lotfi, gaillard patibulaire – interprété par l’acteur et cinéaste Lyes Salem –, arpente les routes avec son ami S., atteint


En confrontant ses deux antihéros aux mirages ineffables du Sahara, le cinéaste algérien Amin Sidi-Boumédiène signe un audacieux premier long métrage.

Nous sommes en 1994, pendant la décennie noire d’une Algérie confrontée aux attaques islamistes. Lotfi, gaillard patibulaire – interprété par l’acteur et cinéaste Lyes Salem –, arpente les routes avec son ami S., atteint de troubles du comportement, pour en finir avec le terroriste Abou Leila. Mais existe-t-il seulement ? Ils n’ont en poche qu’un portrait de cet homme, et personne ne semble le reconnaître…

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C’est de ce MacGuffin que le film tire sa force romanesque, s’amusant à créer de multiples fausses pistes comme autant de passerelles entre les genres. Du polar au road movie, du surréalisme lynchien aux pures scènes d’horreur graphique, le cinéaste en extrait les motifs pour mieux se les réapproprier. Abou Leila, plus que leur simple assemblage, en est ainsi l’épure quasi abstraite – au gré de ce périple, point d’explosions guerrières, mais l’implosion de nos deux hommes, seuls face aux démonsd’un pays devenu paranoïaque.

Le duo central à la Rain Man (Barry Levinson, 1989) – entre les deux héros, l’incompréhension mutuelle se mêle à une tendresse toute fraternelle – est pour beaucoup dans la beauté de ce film d’itinérance où l’on aime à se perdre. Outre ses jeux d’échelles entre l’immensité du désert et des lieux confinés à la dimension anxiogène (la voiture ou des chambres d’hôtel miteuses), le cinéaste joue aussi de nos peurs dans des séquences hallucinatoires desquelles on se réveille comme sonné.

C’est que le cadre du récit, dont les contours se floutent progressivement, tient beaucoup d’un espace mental à la temporalité figée ; rien ne semble bouger si ce n’est le tout-terrain des protagonistes, s’éloignant toujours un peu plus de la quête initiale. L’aridité du Sahara, couplée à la nébulosité de l’intrigue policière, tend à créer une sensation d’épuisement, et le récit, à se vider de sa substance. Comme le font les deux hommes perdus dans le désert de sel de Gerry (Gus Van Sant, 2004), Lotfi et S. errent en fantômes ; gangrenés par la psychose, ils subissent eux-mêmes la violence qu’ils sont censés pourchasser. • DAVID EZAN

: d’Amin Sidi-Boumédiène,

UFO (2 h 15),

sortie le 8 avril