CONCERT : Anna B. Savage à la Boule Noire

Si sa voix était une star de cinéma, elle crèverait l’écran. Quand Anna B Savage chante, on l’écoute religieusement. Pas le choix, devant sa profondeur inhabituelle, son relief vertigineux et accidenté tel une falaise abrupte.


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Un timbre vocal qui rappelle celui de Shara Nova (My Brightest Diamond), avec ses accents lyriques à la Jeff Buckley, mais la comparaison s’arrête là, Savage privilégiant le dépouillement aux luxuriantes orchestrations de l’Américaine. Accompagnée d’une guitare, et guère plus – l’épure a capella ne l’effraie pas –, la Londonienne déverse ainsi ses tourments sur A Common Turn (sorti en janvier), un premier album en forme d’océan déchaîné dans lequel les restes calcinés de ses déceptions amoureuses tourbillonnent sur plusieurs octaves, grimpent et dévalent la pente de son vague à l’âme, avant de s’écraser et de renaître dans l’écume réparatrice de quelques cordes tout juste effleurées.

Le disque documente aussi les doutes qui ont paradoxalement suivi l’accueil enthousiaste de son premier EP en 2015 : durant cinq longues années, Anna B Savage a dû faire face à une crise existentielle carabinée. Syndrome de l’imposteur, exils lointains, thérapies. Mais loin d’être monochrome, la nuit abyssale de son paysage mental n’empêche ni l’humour ni la sensualité, comme en attestent ses références pop aux Spice Girls, à Arcade Fire, à des films tels qu’Et… ta mère aussi ! ou The Rocky Horror Picture Show, ou ses confessions impudiques sur sa découverte tardive des plaisirs onanistes. La reprise spectrale du tube d’Edwyn Collins « A Girl Like You » sur l’EP These Dreams confirme la direction dark et sexy prise par Savage. En live, son charisme promet de faire des ravages.

Anna B Savage, A Common Turn, le 5 novembre à La Boule Noire.

Photo (c) Ebru Yildiz