Du scénario, au tournage en passant par le style et le montage, le réalisateur de Douze hommes en colère (1957) étudie une à une toutes les étapes liées de près ou de loin à la conception d’un film. Beaucoup plus qu’un simple manuel pédagogique, le livre nous plonge dans le « hors champ » du cinéma (tournage, salle de montage…) et la filmographie passionnante, faite d’innombrables succès (Serpico en 1973, Le crime de l’Orient-Express en 1974, Un après-midi de chien en 1975…) d’un cinéaste prolifique et engagé. Si vous cherchez inlassablement les raisons suffisantes pour vous lancer dans la réalisation de votre premier film, n’attendez plus car « sachez qu’il n’y a pas de questions à se poser. Peu importe le film, peu importe le contexte, peu importent les difficultés, si vous avez une chance de réaliser un film, saisissez-là ! » Après cette captivante lecture et sous les enseignements du grand Sidney, on a sélectionné pour vous 5 conseils pour réaliser un bon film. A vos notes !
1) « S’imprégner » du scénario plutôt qu’analyser
Avant de penser tournage, acteur ou montage, pensez scénario. Comment choisir le bon scénario ? Le cinéma chez Sidney Lumet est affaire de sens et d’émotions. Inutile de partir dans un exercice analytique complexe nous dit-il, fiez-vous plutôt à l’impression que vous laissera la première lecture du script. Deuxième élément essentiel : n’attendez pas indéfiniment que le scénario d’un chef d’œuvre tombe entre vos mains (ils se font rares). Concentrez-vous plutôt sur les résonances personnelles que vous y trouverez. Après quoi, se pose une question élémentaire : de quoi parle le film ? Une interrogation fondatrice, fil conducteur du livre, qui vous guidera tout au long de l’élaboration de votre film.
2) Combiner les talents
Si comme Sidney Lumet vous travaillez quasiment systématiquement avec un scénariste, évitez l’embrouille qui pourrait saboter votre film. Assurez-vous qu’il existe entre le scénariste et vous, une vision commune sur « le but à poursuivre ». Ce n’est qu’après avoir trouvé cette ligne d’équilibre que vous pourrez discuter détails avec votre scénariste : en quoi cette séquence est-elle importante ? Comment nourrit-elle la narration ? Ou encore, qu’en est-il de la caractérisation des personnages ? Lumet fustige les scénaristes qui expliquent trop le comportement de leurs personnages. Avec des prétextes incongrus du genre « Un jour, quelqu’un lui a volé son canard en plastique, c’est ce qui a fait de lui un tueur. » Votre personnage n’a pas « besoin d’être expliqué par autre chose que ses actions ».
3) Un bon style doit être discret. Il doit être ressenti plutôt que vu
Alors qu’il a souvent été qualifié de cinéaste efficace, pragmatique ou tout simplement sans style, naviguant aisément entre huis clos théâtral, film de procès ou thriller, Sidney Lumet donne quelques conseils pour penser la question du style de votre futur film :
–S’interroger sur le sujet du film c’est forcément questionner sa forme et par conséquent son style.
-L’impression de la première lecture est également un très bon indicateur et peut provoquer une fois le scénario fermé une épiphanie stylistique !
-Si vous n’êtes pas touché par une fulgurance créative, pas d’inquiétude, le style n’est pas chose simple. Un long processus d’investigation, fait de discussions avec votre chef op, votre monteur ou votre chef déco vous pousserons à déterminer le style de votre film.
4) Répéter, c’est sacré
Si vous suivez les enseignements de Sidney Lumet alors vous ne pourrez échapper aux fameuses répétitions (deux semaines ou plus) avant tournage, car elle constitue « l’essence de la réalisation d’un film ». Une période charnière durant laquelle les acteurs doivent inventer les gestes et instincts qui susciteront l’émotion. Le dernier jour de ces semaines intensives, les acteurs jouent en intégralité et sans interruption le film. L’intérêt : comprendre, sentir leurs personnages et créer une confiance solide et mutuelle entre vous et vos stars.
5) Laissez-vous porter par le film
Après avoir vécu l’excitation d’un premier jour de tournage, il vous faudra faire part de la plus grande objectivité pour juger du travail accompli. Visionner vos premières merveilles, ce n’est pas une épreuve toujours joyeuse, surtout lorsque la prise du jour vous semble totalement éloignée de vos intentions. Mais celle-ci peut aussi se révéler miraculeuse : les séquences tournées créent un sens qui vous avait échappé. Surtout, n’essayez pas d’intervenir! Attention au melon tout de même et souvenez-vous qu’un plan difficile à réaliser n’est pas forcément un plan réussi, de même qu’un problème technique ne doit pas vous convaincre de jeter votre rushes à la poubelle. Enfin, posez-vous une dernière question : ce plan est-il le bon ? « Honnêtement je n’en sais rien. » écrit Sidney Lumet. Ben oui, on peut pas tout savoir.