À voir sur mk2 Curiosity : « Caprice » de Joanna Hogg, les vamps de la mode

Dans ce court-métrage de fin d’études aux allures de cauchemar acidulé, Joanna Hogg met en scène la toute jeune Tilda Swinton, plongée dans les pages de son magazine de mode fétiche.


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Dans (en salles en ce moment), Tilda Swinton joue une mère conciliante et tendre, face à sa propre fille (Honor Swinton Byrne), une apprentie cinéaste dont la vocation est entravée par le chaos d’une histoire d’amour destructrice. En 1986, la réalisatrice britannique Joanna Hogg avait déjà dirigé l’actrice dans son court-métrage de fin d’études, Caprice, un récit d’initiation surréaliste dans les entrailles d’un magazine de mode.

La jeune Tilda Swinton y campe une sorte d’Alice au pays des merveilles, juvénile et naïve. Comme l’héroïne du roman de Lewis Carroll, elle pénètre au détour d’un passage secret dans un monde fantasmagorique, celui des coulisses de son journal de haute couture préféré. Mais le rêve se teinte de désillusion, et bientôt, elle se retrouve face à la tentation d’un pacte faustien…

Joanna Hogg : « Je viens enfin de réaliser le film de fin d’études que j’aurais voulu faire à l’époque »7226a5f0 3e85 4bd4 8446 20a7a61528fa caprice 1 3840x2400 min

Le monde de l’art, plein de tentations et de cruauté, la difficulté de rester soi face aux sirènes de l’apparence… Beaucoup des obsessions de Joanna Hogg traversent déjà ce court-métrage qui témoigne de la puissance d’imagination de la réalisatrice. Elle y réinvestit des références cinématographiques pour en faire une matière neuve. Le relooking physique de l’héroïne évoque le Funny Face de Stanley Donen et son regard grinçant sur une industrie qui formate les corps. L’hommage (qu’on devine plein de tendresse) à la comédie musicale hollywoodienne est dans un même mouvement subverti (délicieux numéro chanté-dansé exubérant qui évoque le Tous en scène de Vincente Minnelli, avec un grain de folie punk en plus).

Dans ce monde rempli de mannequins au maquillage clownesque, qui prennent l’allure de vamps déchues et évoluent au sein de décors biscornus (une étrangeté qui suggère que quelque chose ne tourne pas rond sous les couleurs acidulées), Joanna Hogg orchestre l’évolution de son héroïne. Une fois révélé l’artefact, et la désincarnation de la chair, elle n’aura plus qu’à suivre sa voie intérieure. Un chemin douloureux mais salvateur, qui passe encore une fois, chez la réalisatrice, par une émancipation vis-à-vis du regard que les autres portent sur elle.

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Images (c) Condor Distribution

Joanna Hogg, l’art de la discrétion