À voir sur Canal + : « L’Amour flou », une autofiction jubilatoire

Comment refaire sa vie sans défaire sa famille ? Romane Bohringer et Philippe Rebbot explorent une séparation pas comme les autres dans « L’Amour flou », réjouissant exercice d’autofiction adapté de leur film sorti en 2018.


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À l’opposé de Scènes de la vie conjugale de Bergman ou de sa récente réécriture sérielle par Hagai Levi, L’Amour flou ne propose pas l’autopsie d’une séparation, mais plutôt la dissection, en direct, d’une relation joyeuse mais compliquée entre adultes consentants, anciens amants mais toujours parents, qui refusent le conformisme d’une rupture forcément douloureuse et définitive. Romane Bohringer et Philippe Rebbot, ex à la ville comme à l’écran et coscénaristes, montrent qu’une autre voie est possible : se quitter sans se séparer, par le biais d’un « sépartement » aménagé à Montreuil où chacun dispose de son espace privé et de sa propre entrée, pour vivre ensemble mais séparés par les chambres de leur progéniture. Car au registre des normes socialo-sentimentales, si la cohabitation s’impose au couple pour valider sa stabilité, une fois la séparation consommée, hommes et femmes sont sommés de « déshabiter » pour mieux refaire leur vie.

« Scenes from a Marriage », la série-événement avec Jessica Chastain et Oscar Isaac

Refaire sa vie, c’est justement ce qu’explore la série, sans tomber dans un optimisme béat sur ce mode de vie alternatif, au contraire. Dans la tempête de l’après-couple, où l’autre se fait tantôt phare tantôt brisant, les rancœurs ne se sont pas évaporées avec la rupture et les mesquineries n’ont pas disparu avec cet arrangement post-conjugal à la sauce soixante-huitarde. L’Amour flou n’est pas un manuel de l’après-couple heureux et sans angoisses, mais décortique les difficultés à refaire sa vie et à réagencer ses relations lorsque l’on a 48 ou 56 ans, deux enfants, des parents vieillissants dont on doit s’occuper, des problèmes d’argent, d’alcoolisme, et une jalousie dont on n’arrive pas à se débarrasser, même lorsque l’on n’aime plus l’autre comme avant.

« L’amour flou » de Romane Bohringer et Philippe Rebbot : scènes de la vie post-conjugale

Romane, actrice sur le déclin, en plein doute sur son sex-appeal et son hygiène de vie, tance le double standard qui pèse sur les femmes en matière d’apparence. Et lorsqu’elle tombe follement amoureuse de Patrick Pourtois (Éric Caravaca), c’est son identité de mère qui lui met des bâtons dans les roues : comment être à la fois une bonne mère et une bonne amoureuse ? Comment lui faire de la place ? Philippe, lui, fan de Brel et du Che, toujours un peu perché, tente de tromper son oisiveté en s’engageant brièvement en politique (pour draguer Clémentine Autain) ou en montant un spectacle musical. Faussement foutraque et pleine de fantaisie, intime sans tomber dans l’exhibitionnisme, la série n’esquive pas pour autant l’autocritique et se pose, sans s’imposer, comme un plaidoyer joyeux pour l’expérimentation.

Dès le 8 novembre sur Canal+

Image : Copyright Philippe Mazzoni / Canal+