Heat de Thessa Meijer (2019)
Image (c) capture d’écran Arte
Lors d’un épisode de canicule, une jeune fille vient se réfugier chez un marchand de glaces afin de se rafraîchir. Alors qu’elle semble succomber au charme du séduisant – quoi qu’un peu inquiétant – glacier, son corps entreprend une curieuse métamorphose… En seulement trois minutes quasi mutiques, et quelques champ-contrechamps suggestifs, la réalisatrice néerlandaise Thessa Meijer démontre sans mal l’étendue de son talent.
À l’aide d’un concept efficace soutenu par une esthétique pop et acidulée, Heat file une sorte d’allégorie horrifique du désir adolescent flirtant avec les limites du body-horror, appuyée à l’écran par un jeu malicieux sur les textures et les fluides. La glace fondue se confond ainsi avec la sueur qui perle le long du corps de la jeune femme, dans une subtile évocation érotique. · Sarah Jeanjeau
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À voir en ligne : « Conte de quartier » de Florence Miailhe
Tueur de petit poisson d’Alexandre Gavras (1997)
Image (c) KG Productions
Imaginez un Massacre à la tronçonneuse, version aquatique. Scalpel et loupe en mains, un Docteur Frankenstein démembre un inoffensif poisson translucide. Plus tard, on découvrira que l’homme, employé dans une morgue, met au point un élixir d’invisibilité… Un projet en apparence cronenbergien – le thème de la mutation s’esquisse au détour de silhouettes d’organes flottants dans des bocaux, ou de trophées de taxidermie que Norman Bates aurait jalousé. En réalité, c’est surtout au Fenêtre sur cour d’Hitchcock que le film emprunte sa mythologie glauque, car notre personnage de scientifique fou veut se rendre invisible afin d’approcher sa voisine, qu’il épie depuis sa fenêtre.
Alexandre Gavras (fils de Costa-Gravras), travaillant une esthétique expressionniste, où chaque recoin de pièce prend des allures de tombeau, stylise alors la folie de son personnage psychotique. De toutes ses références un peu écrasantes, il tire une leçon salutaire, que les films gores ont vite fait d’oublier : rien n’est plus flippant que la monstruosité qui guette tranquillement au coin de notre rue, et prend souvent la forme d’un gentil voisin esseulé qu’on a oublié de saluer dans l’escalier. · Léa André-Sarreau
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L’Attaque du monstre géant suceur de cerveaux de l’espace de Guillaume Rieu (2010)
Image (c) Capture d’écran Arte
Avez-vous déjà imaginé la fusion entre les univers de Jacques Demy et Ed Wood ? C’est le cas du Français Damien Rieu, qui réalise L’attaque du monstre géant suceur de cerveaux de l’espace, un court-métrage loufoque dans lequel la comédie musicale rencontre la science-fiction hollywoodienne des années 1950. Ce qui commence comme un film musical classique – un couple chante avec émerveillement son départ pour Paris – échappe vite aux carcans scénaristiques du genre et se voit rapidement investi par une créature à l’allure arachnéenne, sorte de cerveau pourvu de tentacules, pas franchement fan de l’espèce humaine et de sa propension à chanter tout ce qui lui passe par la tête. Mêlant la légèreté des numéros chantés à des enjeux d’envergure planétaire, Guillaume Rieu créé un fascinant décalage à l’image, littéralement contaminée par l’étonnant mélange entre les deux esthétiques. Au-delà de la simple parodie, le film est surtout un hommage rendu à ce cinéma d’un autre temps. · S.J.
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Ghost Dogs de Joe Cappa
Image (c) Capture d’écran Arte
Après avoir vu ce troublant court-métrage d’animation, vous ne risquez plus de penser que le chien est le meilleur ami de l’homme. Tandis qu’il explore sa nouvelle maison, en apparence abandonnée, un adorable chiot réalise que ses prédécesseurs, qui ont rendu l’âme, hantent les lieux. De cette idée simple mais désarmante – décaler le regard en adoptant le point de vue d’un animal domestique -, l’Américain Joe Cappa tire un conte original sur l’au-delà, où le trait juvénile et doux du dessin côtoie une grande noirceur.
C’est ainsi que la visite d’une rassurante maison pavillonnaire vire au bad trip hallucinatoire, dans une séquence psyché où les murs bougent et où des gueules de chat se muent en têtes de morts, ou qu’une inoffensive pub pour croquettes suscite un malaise dont on ne saurait déterminer l’origine. Laisser s’infiltrer l’étrangeté là où on ne voyait que de l’ordinaire, c’est tout le programme de ce court-métrage, qui va jusqu’à donner à ses toutous fantômes une apparence quasi humaine. Par cet anthropomorphisme déroutant, Joe Cappa nous rappelle à quel point les bêtes sont parfois plus humaines que les maîtres qui les abandonnent. · L. A-S.
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Over the Rainbow d’Alexandre Aja
Image (c) Capture d’écran du GREC
Bien avant de devenir la mascotte d’un certain cinéma d’horreur français exporté à Hollywood (La Colline a des yeux, Crawl), le tout jeune Alexandre Aja, âgé de 19 ans, réalisait en 1997 une comédie horrifique avec Grégory Levasseur. L’excellent Jean Benguigui, tout en bonhommie inquiétante, y campe un gardien d’immeuble aux tendances anthropophages, amoureux de Sarah, une des locataires. Détrompez-vous : ce romantique glouton n’est pas le véritable méchant de l’histoire.
Avec un sens irrésistible du grotesque, le réalisateur nous fait rapidement comprendre que les mégères du voisinage, à l’initiative d’une pétition pour se débarrasser de l’homme, sont bien plus dangereuses. Prises de vue en plongée déformant leurs traits grossiers, gros plans exubérants révélant leur laideur : ces freaks deviennent l’objet d’une satire acide sur le commérage – en témoigne le mixage sonore assourdissant, qui transforme leurs paroles venimeuses en caquètements inaudibles. Mention spéciale à la virtuosité des caméras subjectives, qui placent habilement le spectateur dans la peau du prédateur. · L. A-S.
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