Yolande Zauberman en 3 films puissants

En salles cette semaine, l’envoûtant « La Belle de Gaza » de Yolande Zauberman vient rappeler combien les films de la cinéaste française sont beaux, aventureux et politiques. Retour, en trois documentaires, sur sa passionnante filmographie.


CLASSIFIED PEOPLE (1987)

Avec ce premier film, tourné dans la clandestinité, Yolande Zauberman fait déjà figure de précurseuse. En entremêlant les sphères intime et politique, elle tire le portrait d’un vieux couple sud-africain. Face à sa caméra, que la cinéaste rend la plus discrète possible, les deux amoureux aux cheveux blanchis par le temps se racontent avec espièglerie, en même temps qu’ils éclairent la violence réelle et symbolique de l’apartheid (alors encore en cours), qui a eu des conséquences dramatiques sur leur vie de famille, fracturée car métissée. Dans ce chaos total, Yolande Zauberman trouve la lumière : ce lien inaltérable entre deux êtres, qui paraissent prêts à tout affronter tant qu’ils sont ensemble.

Yolande Zauberman : « C’est en l’intime que j’ai confiance »

WOULD YOU HAVE SEX WITH AN ARAB? (2012)

Premier volet d’une trilogie qu’elle consacrera à la vie nocturne et marginale de Tel Aviv (avec M et La Belle de Gaza), ce documentaire précieux contourne habilement les immenses obstacles que posent le conflit israélo-palestinien. L’idée est simple (mais il fallait y penser) : demander à de jeunes Arabes s’ils pourraient faire l’amour avec des Juifs, et demander à de jeunes Juifs s’ils pourraient faire l’amour avec des Arabes. Par cette approche très intimiste, la cinéaste parvient à nouer un dialogue qui semble impossible entre des communautés dressées les unes contre les autres. Plus fort encore, elle créé un jeu de miroirs fascinant – manière de mettre en image ce célèbre adage qui dit que la nuit, tous les chats sont gris.

M (2018)

Il faut avoir le tact, le talent et la patience de Yolande Zauberman pour s’attaquer à un aussi grand tabou que celui de la pédocriminalité dans le milieu orthodoxe juif. Toujours dans la bulle du Tel Aviv nocturne, M suit Menahem, qui tente depuis son enfance, marquée par les viols d’un rabbin, de sortir de ces ténèbres-là. Plans inclinés, séquences qui bousculent en voiture, prières chantées avec un coffre puissant (enfant, Menahem – dont le prénom signifie en hébreu « le consolateur » – avait la réputation d’avoir une voix d’ange)… Le documentaire s’adapte aux humeurs et désirs de cet homme surprenant, qui oscille entre ses souvenirs traumatiques et une immense soif de vivre. Il s’ouvre aussi à la rencontre d’autres victimes (dont l’une raconte avoir elle-même reproduit ce qu’elle avait vécu), pour mieux sonder la façon dont ces cycles de violences commises contre les enfants peuvent se transmettre, se perpétuer et circuler au sein d’une communauté fermée. C’est avant tout grâce à la méthode mystérieuse de Yolande Zauberman que cette parole bien enfouie finit par se déverrouiller. Et peut « consoler » au moins en partie les douleurs du passé.

La Belle de Gaza de Yolande Zauberman, Pyramide (1 h 16), sortie le 29 mai