On ne se risquera pas à vous faire le pitch d’Exode, car ce court métrage – qui se compose de trois clips – tient tout son pouvoir d’ensorcellement de son mystère. Peut-être juste préciser qu’avec la simplicité des contes, il parle tout à la fois d’une séparation amoureuse et de la fin d’un monde.
Une voix robotique entonne ce chant d’amour et d’adieu troublant sur des images de nature et de ville embuées de mélancolie. On y suit deux amantes, Zahia et Andrea (interprétées par Helena de Laurens et Yohanna-My Nguyen) dans une traversée entre la vie et la mort qui évoque l’aventure d’Orphée, cherchant à retrouver Eurydice dans les Enfers. Une ampleur mythologique convoquée avec une grande solennité par l’artiste Jardin qui signe ici la musique dont les sons autotunés se font graves et déchirants. Jardin apparaît dans le film en tant que chœur, comme dans une tragédie, iel chante mort.e et ensanglanté.e sur la branche d’un arbre, à la fois perché.e et donnant la direction aux héroïnes, comme le chat du Cheshire dans Alice aux pays des merveilles.
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Sur une musique très technologique, ses trois titres, Danse, Départ, et Drone rythment alors l’épopée intime mais aussi politique de Zahia et Andrea. Car Jardin fait partie de la Church Of Euthanasia, un culte et un happening cofondé en 1992 par l’artiste et pionnière de la techno expérimentale Chris Korda, pour alerter sur la crise climatique en prêchant de manière drôle et outrageante la non-procréation, l’avortement, le cannibalisme, et le suicide. La voix désincarnée et prophétique de Jardin nous racontant le monde froid d’Exode n’est d’ailleurs pas sans rappeler celle de Korda dans son clip Apologize to the Future (2020), dans lequel l’humanité n’apparaissait plus qu’à travers ses traces et ses vestiges, des vieux paquets de cigarettes, ou des canettes usées croupissant dans l’eau.
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Photo : © Hélène Da Costa