Vu au Festival Lumière 2023 : « Kansas City » de Robert Altman 

La 15ème édition du Festival Lumière (qui se tient jusqu’au 22 octobre), rend hommage au cinéaste Robert Altman (palmé en 1970 pour son antimilitariste « M*A*S*H »), grande figure du Nouvel Hollywood et satiriste hors pair. La preuve avec ce film malaimé et un peu oublié, qui épingle les vices de la société américaine pendant la Grande Dépression.


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« Solitude » de Duke Ellington clôture la fresque de Robert Altman, présentée en compétition officielle au Festival de Cannes en 1996. Ce morceau, composé en 1934, en résume tout l’esprit : des trompettes lancinantes et sensuelles, une sophistication à l’extrême qui laisse poindre une grande violence. Et surtout ce titre, qui finit d’enfermer, comme un ultime linceul musical, les personnages fantomatiques de Robert Altman que l’on a suivi durant presque deux heures.

C’est que Kansas City est un grand récit choral, une mosaïque tentaculaire au sein de laquelle se débattent des pions dans l’Amérique prohibitionniste des années 1930. Soit Blondie O’Hara (Jennifer Jason Leigh), une jeune télégraphiste, qui échafaude un plan désespéré (kidnapper l’épouse d’un conseiller du président Roosevelt, jouée par (Miranda Richardson) pour sauver son mari Johnny O’Hara (Dermot Mulroney), voyou tombé aux mains d’un patron de boîte de nuit véreux. Entre Blondie et son otage, une étrange complicité s’installe… 

Comme souvent chez Robert Altman, ce point de départ scorsesien est le prétexte à des digressions narratives, des outrances esthétiques. Rapide jusqu’à l’étourdissement, baroque jusqu’à l’excès, le film nous plonge dans Kansas City – ville natale du réalisateur – comme dans un Las Vegas cauchemardesque, rongé par les idoles hollywoodiennes (Blondie est fan de Jean Harlow), la mafia italienne et la corruption politique.

SUPERCUT : Les mains dans le cinéma de Martin Scorsese62bedeaf f708 4273 9a65 ef8de486e371 kansascity2

Pour dépeindre la chute morale d’une Amérique qui se noie dans les billets de banque et l’ultra libéralisme, discrimine sa population noire, Robert Altman maquille ses intentions, flirte avec le film de gangster afin de finalement naviguer vers la comédie musicale. Il triche, trompe son spectateur, pour l’infiltrer ce monde interlope fondé sur le mensonge et les apparats. A l’image d’une impro de jazz, il laisse sa mise en scène s’égarer. C’est précisément cette posture mi-ludique, mi-critique qui permet à Robert Altman de trouver la bonne distance avec son sujet, sans tomber dans la révérence pour ce monde fastueux, sublimé par la photographie cuivrée du chef-opérateur Oliver Stapleton.