Sur X, les journalistes réagissent à la non-sélection de la Palme d’or pour représenter la France aux Oscars

Ce jeudi 21 septembre, la commission du CNC a désigné « La Passion de Dodin Bouffant » de Tràn Anh Hùng (Prix de la mise en scène au Festival de Cannes 2023) pour représenter la France aux Oscars, écartant « Anatomie d’une chute » de Justine Triet. Un choix qui suscite déception et stupéfaction sur les réseaux sociaux : avec son (presque) million de spectateurs en salles, et son succès critique, la Palme d’or semblait être la candidate idéale pour glaner le prix du meilleur film en langue étrangère.


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Face à l’envoûtant Goutte d, au Règne animal de Thomas Cailley, thriller fantastico-horrifique à gros budget, Sur les chemins noirs de Denis Imbert, adaptation du best seller de Sylvain Tesson, et Anatomie d’une chute de Justine Triet, c’est finalement La Passion de Dodin Bouffant de Tran Anh Hung (The Pot-Au-Feu pour le titre international) récit de food porn porté par Benoît Magimel et Juliette Binoche, qui a été désigné pour porter les couleurs de la France aux Oscars. Si le film, préselectionné dans une short list de quinze longs-métrages du monde entier, franchit l’ultime étape en étant retenu parmi les 5 derniers nommés pour remporter la statuette du meilleur film étranger – l’an dernier, Saint Omer d’Alice Diop n’avais pas passé ce cap.

« Anatomie d’une chute » de Justine Triet, vertiges du couple

En attendant, la désignation du film de Tran Anh Hung par la commission du CNC – rappelons qu’elle est composée des exportatrices Sabine Chemaly et Tanja Meissner, des producteurs Charles Gillibert et Patrick Wachsberger, des réalisateurs Olivier Assayas et Mounia Meddour, et du compositeur Alexandre Desplat – fait beaucoup jaser sur les réseaux, et provoque des incompréhensions. Pourquoi ce choix étonnant, alors que tout désignait Anatomie d’une chute – plus gros succès au box-office pour une Palme d’or depuis Entre les murs en 2008, unanimement acclamé par la critique, promis à une glorieuse carrière dans les salles étrangères en raison de ses thèmes universels et de son accessibilité -, comme le candidat idéal pour remporter le trophée du meilleur film en langue étrangère (un prix remporté pour la dernière fois en 1993 avec Indochine ?

Justine Triet et Arthur Harari : « Dans un procès, on délire beaucoup de choses »

Pour certains, cette stratégie, d’autant plus discutable que le film bénéficie d’une superbe presse aux Etats-Unis, s’inscrirait dans une logique de représailles envers Justine Triet. En mai dernier, au moment de récupérer sa Palme d’or, la réalisatrice française avait en effet reproché au gouvernement son mercantilisme en matière de politique culturelle, exprimant sa peur de voir le système de financement vertueux du cinéma français menacé par une logique de rentabilité (« La marchandisation de la culture que le gouvernement néolibéral défend est en train de casser l’exception culturelle française »). Elle avait également regretté le mépris dont le gouvernement avait fait preuve envers la protestation populaire contre la réforme des retraites. Sur X (ex Twitter), la ministre de la Culture Rima Abdul Malak s’était dite « estomaquée par [ce] discours si injuste ». Certains pointent le fait que la commission du CNC, qui a écarté Anatomie d’une chute, est composée de professionnels du cinéma nommés par cette même ministre de la Culture.

« Anatomie d’une chute » : une Palme d’or qui vise le million

La presse étrangère, fan number one de la Palme d’or, a redoublé de surprise (et d’humour) pour exprimer ses regrets. Citons Elsa Keslassy, rédactrice en chef de Variety, qui n’a pas mâché ses mots : « Pardonnez mon français mais comment c’est possible bordel ??? #Oscars2024« . Avant de relever que ce n’est pas la première fois que la France écarte une femme réalisatrice de la prestigieuse course : « Qu’ont en commun Céline Sciamma, Audrey Diwan et Justine Triet, à part le fait qu’elles sont de brillantes réalisatrices françaises primées ? Elles ont été snobées par le comité français des Oscars ! #Oscars2024« 

« Qu’ont en commun Céline Sciamma, Audrey Diwan et Justine Triet, à part le fait qu’elles sont de brillantes réalisatrices françaises primées ? Elles ont été snobées par le comité français des Oscars ! #Oscars2024« 

« Oscar choc ! La France sélectionne « Le goût des choses » pour la course internationale du long métrage aux Oscars https://variety.com/2023/film/global/france-the-taste-of-things-oscars-international-feature-film-race-1235730963/…« 

Marie-Ange Luciani, anatomie d’une production

Anatomie d’une chute peut tout de même prétendre à des nominations dans plusieurs autres catégories : meilleur scénario original, meilleure réalisation et meilleure actrice pour Sandra Hüller. Notamment grâce à son distributeur américain Neon, qui a déjà lancé sa campagne aux Oscars : « Bonne nouvelle tout le monde! Le lauréat de la Palme d’Or est éligible pour le meilleur film, le meilleur réalisateur, la meilleure actrice et le meilleur scénario… Mais malheureusement pas pour le meilleur chien. » En 2020, Parasite du sud- coréen Bong Joon-ho avait raflé les Oscars du meilleur film, du meilleur réalisateur, du meilleur film international et du meilleur scénario, précisément grâce à Neon, qui avait fait un incroyable travail de promotion. Plébiscité dans beaucoup de festivals nord-américains (notamment Toronto), et tourné en grande majorité en langue anglaise, Anatomie d’une chute a encore toutes ses chances de briller lors de la cérémonie 95e cérémonie des Oscars, qui aura lieu le 10 mars 2024 à Los Angeles.

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