Scène culte : « West Side Story » de Robert Wise et Jerome Robbins

Alors que la version de Steven Spielberg arrive en salles, retour sur « West Side Story », légendaire comédie musicale sortie en 1961. Et plus particulièrement sur son générique de début, une séquence immobile, instrumentale et abstraite. Et si son code secret était là ?


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Le ballet des Jets et des Sharks qui se battent pour un bout de Manhattan, ryth­mé par les claquements de doigts ; la parade sociale virevoltante d’« America » ; le premier regard de Maria (Natalie Wood) et Tony (Richard Beymer) qui efface tout autour d’eux ; le rêve de mariage dans le magasin désert… Pendant 2 h 30, West Side Story distribue les scènes culte comme si cette rubrique n’avait pas de lendemain. Reste-t-il encore dans ce classique quelque cachette ésotérique où se glisser ? Une, sans doute : le générique d’ouverture, conçu par Saul et Elaine Bass, dont le minimalisme et le statisme ne laissent rien présager de ce qui va suivre.

« West Side Story » de Steven Spielberg : une harmonie dans le chaos du monde

Pendant plus de quatre minutes, on ne voit rien d’autre à l’écran qu’un amas de traits verticaux, sur fond coloré uni passant de l’orange au rouge, au violet, puis de nouveau au rouge, et enfin au bleu. Tandis que Leonard Bernstein dévoile les thèmes musicaux du film, une illusion d’optique se produit : le motif graphique semble s’étoffer, gagner en présence et en précision, sans qu’aucun coup de crayon ne soit ajouté. Le dessin qui prend forme avant tout dans nos têtes, c’est bien sûr l’île de Manhattan, terre promise et jalousée du rêve américain qui sert de scène fantasmatique à ce Roméo et Juliette des temps modernes. Ce pourrait être aussi, en se laissant un peu plus dériver, une partition poinçonnée, un livret de ballet savant, une lettre d’amour codée…

84cb7679 95ff 44c9 aba3 7db03a7163f8 ws« West Side Story » : le jeu des 7 différences entre les deux adaptations de l’œuvre culte de Broadway

La durée exceptionnelle de la séquence, son abstraction vibrante, incitent le spectateur à produire ses propres images et à (se) projeter le film avant qu’il n’ait commencé. Ainsi l’hypnose grave dans notre inconscient la règle d’or édictée par Robert Wise et Jerome Robbins en réalisant cette comédie musicale à une époque où le genre n’intéressait plus personne : une foi absolue, enfantine, primitive, dans les artifices magiques du cinéma. Pour aimer West Side Story, il faut penser que de belles musiques, de belles couleurs, de belles illusions d’optique sont les seules conditions nobles pour fixer un écran 2 h 30 durant.

West Side Story de Robert Wise et Jerome Robbins, 2 h 33