OLDIES · Scène culte · « Voyage au bout de l’enfer » de Michael Cimino

Le film aussi infernal que magistral de Michael Cimino est diffusé ce lundi 21 août sur Arte, à 20h50. Retour sur la célèbre et glaçante scène de roulette russe.


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Une scène revient systématiquement à l’esprit de ceux qui ont traversé les 3h03 de Voyage au bout de l’enfer, chef-d’œuvre traumatique et traumatisant signé Michael Cimino en 1978 et sorti en France l’année suivante. Celle de la roulette russe, quand Mike (Robert De Niro) et Nick (Christopher Walken), faits prisonniers pendant la guerre du Viêt Nam, sont contraints de se livrer à ce jeu létal pour divertir leurs tortionnaires.

L’objectif de Cimino, qui a soutenu la véracité de cette pratique (non attestée officiellement, d’où les débats houleux que le film a suscités), était de figurer la vérité intime du combat: celle de l’attente, qui en constitue la part essentielle et l’angle mort, là où se logent les pires dommages psychiques. Tirés de leur cage, les deux hommes sont assis face à face sous la menace des fusils: Mike, animé d’une force mentale inouïe, veut profiter du moment pour s’échapper; Nick, plus fragile, est sur le point de sombrer dans la folie.

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La caméra omnisciente orchestre un ballet de regards, passant d’un visage à l’autre comme dans un western. Chaque angle est la pièce d’un puzzle infernal où rien ne sera oublié, ni les rires des bourreaux, ni les rictus des victimes (sourires fous de condamnés, éruptions de rage impuissante), ni les invectives («Vas-y. Il y a une chambre vide dans le barillet», lance Mike à son ami, comme si sa foi était plus forte que le hasard), ni les baffes de plus en plus appuyées qui rythment la séquence jusqu’à sa conclusion: Mike tire une balle dans la tête du chef, Nick se jette sur l’arme d’un sbire, les rafales partent dans un déluge de plans secs et hallucinés, et les geôliers s’effondrent.

Trop tard pour que la délivrance ait un goût de victoire. La guerre continuera de gangrener leur âme, avec la roulette russe comme métaphore filée, dans le troisième et dernier acte de cette tragédie. On ne revient pas du jeu avec la mort.