Il est peu dire qu’Inland Empire a de quoi tourmenter. S’il prolonge Mulholland Drive, sorti six ans auparavant, reprenant nombre de lieux (Los Angeles, Hollywood) et de thèmes (l’envers du décor de l’industrie cinématographique, le parcours tumultueux d’une actrice), il rompt radicalement avec son côté glamour. La proposition stylistique neuve – par l’utilisation d’une image numérique pauvre et d’un colossal grand-angle, déformant les perspectives et les visages – est poussée à une telle outrance qu’elle fait d’Inland Empire un film proprement effrayant.
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Trois heures sidérantes pendant lesquelles le motif lynchien par excellence – la monstruosité – s’empare de la matière même du film. Comme si les altérations humaines chéries dans le cinéma de Lynch (, Elephant Man) s’étaient progressivement autonomisées au fil des films. Ici, c’est le geste même de réalisation qui s’avère contaminé. On assiste à une attaque en règle contre l’image, constamment dégradée, lacérée, produisant une difformité telle qu’elle n’est plus qu’un empire de signes abstraits. Que dire de la séquence lumineuse finale, véritable accalmie audiovisuelle ? Peutêtre que c’est la solution de l’énigme : ce film nous apprendrait.
Inland Empire de David Lynch, Potemkine Films (2 h 52), ressortie le 31 mai
Images (c) D.R
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