« C’est presque elle qui m’a trouvée », dit-elle de l’enfant au centre de son deuxième film, prise entre les facéties de son âge et les injonctions à la féminité. Portée par la même détermination que son héroïne, Diala Al hindaoui retrace un exil entamé à 16 ans, au cœur de la révolution syrienne, qui la mène à Beyrouth puis en France, où elle se lance sans hésiter dans des études de cinéma. « J’étais une adolescente frustrée d’avoir dû partir, et j’avais vu un documentaire sur le repassage des seins au Cameroun dans lequel un médecin expliquait la gravité de cette pratique. Le cinéma avait donc un impact politique ! Plus tard, j’ai compris qu’on ne pouvait pas changer le monde, mais au moins le documenter, accompagner un point de vue, contrecarrer la propagande du régime syrien grâce à un cinéma indépendant. »
Après une licence à Paris-VIII, elle s’oriente en scénario à la CinéFabrique (Lyon) et réalise un premier court, Deux morceaux de mémoire (2021), où s’entremêlent des archives familiales d’étés joyeux en Syrie, couplées à la voix de sa mère, résignée face à la fracture qui s’est opérée avec ses frères, partisans du régime en place. Aujourd’hui, à 26 ans, cette Parisienne d’adoption confirme un regard documentaire d’une justesse saisissante avec Fatmé, tourné dans le camp de réfugiés où elle a été bénévole au Liban, il y a sept ans. Membre enthousiaste du collectif J’ai grandi ici, grâce auquel d’anciens étudiants de la CinéFabrique « continuent de créer, ensemble, un cinéma artisanal, qui ne nécessite pas beaucoup d’argent », Diala Al hindaoui se propulse vers un long documentaire tiré de Fatmé et peuplé d’autres personnages, avec un regard neuf et militant.
Photographie : Julien Liénard pour TROISCOULEURS