Après Peter von Kant, qui rendait hommage à la figure du cinéaste Rainer W. Fassbinder, François Ozon poursuit les citations cinéphiles en allant voir du côté des comédies d’Ernst Lubitsch des années 1930 comme Haute pègre ou Sérénade à trois. Adaptant une pièce de théâtre de 1934 signée Georges Berr et Louis Verneuil, Ozon choisit ici d’aborder avec fantaisie des questions féministes atemporelles. L’histoire de Madeleine (Nadia Tereszkiewicz), jeune actrice sans le sou accusée du meurtre d’un célèbre producteur de cinéma, offre ainsi matière à une satire qui explore la condition des femmes françaises des années 1930 tout en faisant écho à la révolution en cours depuis 2017 dans le sillage de #MeToo.
Grâce à son amie Pauline (Rebecca Marder), brillante avocate au chômage, Madeleine se voit acquittée pour légitime défense et accède alors à une forte popularité qui améliore grandement sa vie matérielle… jusqu’à ce que de nouvelles révélations autour de ce crime entraînent de multiples tractations sociales au sein d’une foisonnante galerie de personnages.
Jouant parfois avec les limites de la bienséance, le film donne le beau rôle à des héroïnes qui s’entraident et luttent avec toutes les armes à leur disposition pour faire avancer la cause des femmes sur fond de reconstitution ultra stylisée du Paris des années 1930. Dans un esprit qui rappelle 8 femmes, décors, costumes et lumières offrent un écrin idéal à un truculent casting de seconds rôles (Isabelle Huppert, Fabrice Luchini, Dany Boon, Évelyne Buyle, André Dussollier ou Régis Laspalès) qui manient à merveille l’art de la théâtralité.
Parallèlement à cette maîtrise des faux-semblants, la mise en scène d’Ozon déploie une vitalité organique qui accentue la part moderne des protagonistes et transforme ce qui aurait pu n’être qu’une comédie nostalgique en tableau sensuel qui reconfigure le présent avec bonheur et insolence.
Mon crime de François Ozon, Gaumont (1 h 42), sortie le 8 mars