Les ados l’appellent « l’île », mais c’est juste un gros rocher où elles et ils aiment se retrouver. C’est leur façon de s’approprier le paysage, de le transformer à leur guise, de lui donner leur propre énergie. Dans cette émulation du groupe, Rosa paraît l’électron libre – le lendemain elle ira vivre au Canada.
Comme un instant qu’on voudrait retenir, Damien Manivel filme cette dernière soirée au crépuscule, captant tous les sentiments mêlés liés à ce grand départ : la mélancolie de voir une amie partir, mais aussi le bonheur pour elle, la peur de ne plus la revoir, l’impression d’être soi-même bloqué ici. En nous donnant accès aux répétitions, comme un autre film dans le film, le cinéaste ne verse pas dans le méta artificiel. Au contraire, c’est une façon pour lui d’approfondir les émotions grâce aux chorégraphies qu’il met en place avec les comédiens avant de tourner avec eux près du rocher – lui-même a été danseur et avait consacré un film magnifique à cet art, Les Enfants d’Isadora (2019).
En filmant cette recherche, en décomposant ainsi leurs mouvements, il nous projette finalement dans une identification plus forte avec les personnages, dont sont détaillés tous les heurts, les tressaillements, les basculements.
L’Île de Damien Manivel, Météore Films (1 h 10), sortie le 17 avril.