Mai 1981 : Mitterrand gagne l’élection présidentielle, mais Elisabeth (Charlotte Gainsbourg) se fait surtout plaquer par son mari. Elle se retrouve désemparée : elle qui n’a jamais travaillé doit trouver comment payer le loyer de son bel appartement à baies vitrées tout en élevant ses deux ados (les débutants mais doués Megan Northam et Quito Rayon Richter). La fragile Elisabeth finit par trouver une place de standardiste à la radio, dans son émission favorite, l’intime « Les Passagers de la nuit », portée par une voix et une personnalité magnétiques (Emmanuelle Béart dans un rôle de Macha Béranger qui lui va comme un gant et dont on aurait aimé qu’il ait plus de temps à l’écran). Y faisant la rencontre de Talulah (Noée Abita), jeune punk éthérée qui vient de débarquer à Paris, elle décide de lui offrir temporairement un toit.
Mikhaël Hers : « On peut faire revivre les disparus à travers un film »
Comme tous les films de , difficile de donner une juste image des Passagers de la nuit à travers son seul pitch. L’âme vibrante de son nouveau film, on la sent à travers les compositions électro sobres et mélancoliques qui nimbent les plans sur la ville, sur ses héros tâtonnants et qui peinent souvent à verbaliser leurs sentiments. À travers, aussi, ses références plus ou moins évidentes au cinéma d’Eric Rohmer : Didier Sandre, le prof de philo qui entretient une relation avec son étudiante dans Conte d’automne, joue ici le père d’Elisabeth, mais surtout , dont Talulah – évidente alter-ego d’Ogier – se prend de passion en la découvrant au cinéma dans Les Nuits de la pleine lune. L’âme du film, c’est aussi le personnage de Matthias, le fils réservé à la fibre de poète qui observe avec admiration les femmes de son entourage.
En lui, on perçoit vite le prolongement des héros de Ce sentiment de l (joué par ) et d’Amanda (Vincent Lacoste) ; on croit aussi déceler le regard doux et peut-être une partie des propres souvenirs de jeunesse de Mikhaël Hers – ce qui ne manque pas de redoubler l’émotion.
Toutes ces strates montrées ou devinées donnent ampleur et profondeur à un récit simple en forme de coming-of-age familial, dont la géniale idée est de mettre le personnage à fleur-de-peau de Charlotte Gainsbourg – plus gracile que jamais – au centre, d’en faire un pilier solide malgré les innombrables doutes et les failles. C’est l’immense talent de Mikhaël Hers que de savoir convier chez ses spectateurs une confiance inébranlable en des héros si incroyablement humains.
Les Passagers de la nuit de Mikhaël Hers, Pyramide (1 h 51), sortie le 4 mai
Image (c) Pyramide Distribution