« Les Bonnes étoiles » : le tendre road-movie de Kore-eda 

Le grand Kore-eda traite à nouveau la question de l’abandon d’enfants, cette fois sous la forme d’un road-movie situé en Corée du Sud qui confirme tout le talent du cinéaste japonais à diriger ses interprètes et à faire surgir des émotions aussi touchantes que nuancées.


d23dfba4 75f2 4d9a a143 459901ba4246 lesbonnesc3a9toiles

Préoccupé depuis de nombreux films par les thématiques de l’adoption et de la recomposition familiale, Hirokazu Kore-eda (Prix du jury cannois en 2013 avec Tel père, tel fils et lauréat de la Palme d’or en 2018 avec Une affaire de famille) déplace ici son cinéma vers un nouveau territoire géographique et s’aventure en Corée du Sud.

Prenant comme point de départ les « boîtes à bébé », coffres dédiés au dépôt anonyme de nouveaux nés, le cinéaste japonais raconte l’histoire d’une jeune femme qui abandonne son nourrisson sur un trottoir de Busan un soir de pluie ; deux trafiquants cachés en face de là récupèrent alors le nouveau-né dans le but de le vendre illégalement sur le marché clandestin de l’adoption. Les deux escrocs vont finalement recroiser le chemin de la mère biologique et ce sera le début d’un périple sur les routes où tous ces personnages, par ailleurs surveillés par deux policières et accompagnés d’un orphelin de huit ans, vont constituer une troupe insolite et former bon gré mal gré une famille itinérante…

Derrière la trame initiale de polar avec gangsters et policières, le film tend rapidement vers la chronique sentimentale et sociétale où le cinéaste reconduit sa réflexion sur la nature des liens qui rapprochent les individus et sur la définition mouvante du concept de famille. Après avoir effectué un travail d’enquête dans un orphelinat coréen, Kore-eda dépeint avec espoir et émotion la nécessité qu’il y a à surmonter le traumatisme de l’abandon, autant pour les mères que pour les enfants.

Si Les Bonnes étoiles, avec sa bonne humeur générale et ses notes de piano rassurantes, peut sembler en apparence plus formaté que d’autres chefs-d’œuvre du cinéaste comme Nobody Knows, la mise en scène est comme toujours traversée de magnifiques fulgurances qui mettent en valeur un remarquable casting.

Dans le rôle d’un trafiquant qui finit par révéler un grand cœur et une fibre paternelle, Song Kang-ho (acteur fétiche de Bong Joon-ho, notamment vu dans Parasite) apporte son incomparable et chaleureuse énergie, qui lui a valu le prix d’interprétation masculine au Festival de Cannes 2022. Bae Doona, grande actrice sud-coréenne déjà aperçue dans The Host ou Cloud Atlas, joue quant à elle avec brio une capitaine de police faussement inflexible. Virtuose par sa façon de fabriquer un touchant esprit de troupe, Kore-eda rend diablement attachants ces personnages aux existences blessées pour lesquels on se prend d’une affection unique.