Hiver 1992, un dimanche brumeux et glacial, le film Le Nom de la Rose passe à la télévision, la famille se serre sur le canapé en velours, le feu de cheminée crépite et le monde semble serein, presque figé dans la béatitude d’avoir trouvé le film parfait pour l’après-midi.
Et puis soudain, alors que ce polar médiéval captivant se termine presque, surgit l’une des scènes les plus torrides et inattendues du cinéma, une scène foudroyante entre le jeune clerc, joué par Christian Slater, et une paysanne, sublimée par la beauté ensorcelante de Valentina Vargas. Mes parents se mettent en veille, tandis que je tente d’effacer le rouge qui m’est brutalement monté aux joues. Nous avons tous et toutes vécu une scène familiale horrifique similaire, mais c’est bien devant Le Nom de la rose que la brûlure est restée pour moi la plus vive, au point de me pencher sur la fabrication de cette séquence à l’annonce de la ressortie du film au cinéma.
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Pourquoi semblait-elle si dangereusement incarnée ? Lorsqu’elle débute, le jeune moine est planqué dans les cuisines crasseuses de l’abbaye. On s’attend à tout, qu’il soit empoisonné, tué d’un coup de casserole en plein dans la tonsure, mais certainement pas à ce qu’il soit défloré par une jeune femme qui est l’incarnation même de la tentation. Elle le déshabille avec un peu de difficultés, le jeune moine semble alors totalement affolé et subjugué, puis, après l’étreinte, ils se regardent intensément, avec une tendresse à la lueur singulière, qui dépasse les contours des personnages. Ce sont les acteurs qui se regardent, en oubliant presque totalement la caméra.
Cette scène semble réelle, car la caméra a capté un véritable trouble. Elle devait être filmée en fin de tournage, mais un retard dans la livraison d’un décor l’avait placée au tout début. Le jeune Christian Slater était encore puceau. Jean-Jacques Annaud, qui tenait à cette scène, l’avait chorégraphiée uniquement avec Valentina Vargas et lui avait interdit d’en communiquer les détails à son partenaire – choix contestable à l’heure des coordinateurs d’intimité.
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Au retour du déjeuner, alors qu’ils devaient simplement s’embrasser rapidement pour un raccord, leur étreinte durera presque dix minutes, les deux acteurs se laissant emporter, ignorant les « cuts » du réalisateur. En résulte une scène authentique, bien que totalement simulée, qui brouille les lignes entre réalité et fiction et laisse une empreinte viscérale.
Le Nom de la rose de Jean-Jacques Annaud, Les Acacias (2 h 12), ressortie le 21 février