En seulement trois courts, Iris Chassaigne, 30 ans, a déjà imprimé son regard sur la carte du cinéma français. On déambule dans ses films comme on arpenterait les paysages d’un territoire peuplé d’âmes solitaires, de lieux de passage où flotterait un parfum d’érotisme queer. C’est une aire d’autoroute dans Les Gens qui roulent la nuit, c’est un centre commercial dans Swan dans le centre, présenté à la Semaine de la critique l’an passé. Dans ce film, une jeune commerciale vient sonder les habitus des clientes et clients d’un temple de la consommation. Au bout du téléphone, d’une voix posée et discrètement hésitante, la cinéaste raconte : « C’est cet endroit d’inconfort qui me plaît. Cela permet des rencontres inattendues et étranges. Les toilettes des centres commerciaux peuvent être des espaces de cruising pour les mecs gay. J’avais envie de déplacer ça avec une histoire de femmes lesbiennes, ce sont des espaces qui existent peu pour elles. »
« Swan dans le centre » d’Iris Chassaigne
Enfant, Iris passe une grande partie de son temps dans des avions et des aéroports pour cause de père voyageur, élément sans nul doute déterminant dans cette envie de « parler de personnages étranges qui se sentent étrangers au monde, qui ont un sentiment d’être un peu inadaptés ». Plus tard, ado, c’est auprès d’Alain Guiraudie (en particulier du film Ce vieux rêve qui bouge) et de Chantal Akerman (« la longue scène de sexe de Je, tu, il, elle était une référence pour Swan… ») qu’elle trouve une maison, cette fois-ci de cinéma. Son dernier court métrage en date, le beau Stranger, projeté cette année à la Semaine de la critique, est un film sous forme de fable musicale noctambule avec Jehnny Beth et Agathe Rousselle, « l’histoire d’un retour à la vie » née de la rencontre de deux solitudes – la marge toujours au centre.
Photographie : Julien Liénard pour TROISCOULEURS