Michel Poiccard/Laszlo Kovacs dans À bout de souffle (1960)
« Si vous n’aimez pas la mer, si vous n’aimez pas la montagne, si vous n’aimez pas la ville… allez vous faire foutre ! » Impossible d’oublier cette adresse au spectateur tapageuse et le regard plein d’effronterie que Belmondo lance à la caméra de Godard, dans ce film qui propulsa à la fois la carrière du réalisateur de la Nouvelle Vague et celle du jeune acteur de 27 ans. Celui-ci incarne Michel, un voyou insolent aux faux airs d’Humphrey Bogart poursuivi par la police après avoir volé une voiture à Marseille pour se rendre à Paris – pendant le trajet, il tue un gendarme motocycliste qui cherche à le verbaliser –, où il retrouve Patricia (Jean Seberg), avec laquelle il a eu une liaison… Comme il le fera à de nombreuses reprises par la suite, l’acteur porte admirablement bien le fantasme du criminel séduisant à l’écran.
Ferdinand Griffon dit « Pierrot le fou » dans Pierrot le Fou (1965)
Cinq ans après À bout de souffle, le duo Godard-Belmondo se retrouve pour tourner ce road-movie à la fois libre (il a été interdit aux moins de 18 ans à sa sortie en France, pour « anarchisme intellectuel et moral ») et bardé de références littéraires et picturales. Belmondo campe le rôle d’un homme qui, après avoir été viré de la télé, quitte femme et enfants pour partir avec Marianne (Anna Karina), la babysitter de ces derniers. Tous deux fuient vers le sud de la France, entre Hyères et Porquerolles… Le visage tour-à-tour solaire et peinturluré de bleu Klein de l’acteur, ses cigarettes au bec et sourcils froncés font partie de ces images qui ont imprégné tout un pan de la mémoire cinéphile.
Adrien Dufourquet dans L’homme de Rio (1963)
Un corps fougueux, anarchique, presque guignolesque : dans ce film d’aventure de Philippe de Broca, Belmondo s’impose comme l’acteur physique par excellence, chez qui l’exultation des gestes déborde joyeusement. Aux côtés de Françoise Dorléac, il interprète un soldat en permission, parti à la recherche de sa fiancée kidnappée au fin fond de l’Amazonie. Courses-poursuites rocambolesques, cascades démentes… Devant les paysages du Brésil, Bébel, qui effectue les prises sans doublure (son passé de boxeur aidant), apporte au film un panache indéniable – la rumeur dit que Steven Spielberg s’en inspira pour créer Indiana Jones.
Louis Mahé dans La Sirène du Mississipi (1969)
C’est François Truffaut qui offrit à Belmondo son plus beau contre-emploi. Alors que l’aura de vedette de l’acteur est à son plus haut point, le cinéaste lui confie le rôle d’un riche industriel de la Réunion, follement épris d’une femme (Catherine Deneuve) dont il découvre qu’elle lui ment sur son identité. Loin de l’image de trublion et de séducteur invétéré que ses précédents films ont construit, Belmondo apparaît dans le dénuement le plus total, dévasté par la passion. Face à une Catherine Deneuve manipulatrice et sûre d’elle, l’acteur dévoile soudain une part de féminité insoupçonnée – Truffaut renversant habilement les normes de genre.
Sam Lion dans Itinéraire d’un enfant gâté (1988)
Chez Claude Lelouch, Belmondo trouve un juste équilibre entre sa persona comique et un versant plus tendre. Dans ce drame sur la rédemption et le temps qui passe, l’acteur campe un chef d’entreprise lassé de ses responsabilités, qui décide de disparaître en Afrique. Jusqu’au jour où un ancien employé le reconnaît… Plus sobre que d’habitude, l’œil malicieux pas assagi le moins du monde par l’âge, Belmondo balade le spectateur entre rire et larmes, et offre une master class qui lui vaudra le César du meilleur acteur – un prix qu’il préféra décliner.