Jacques Perrin en cinq rôles

Marin romantique, soldat d’Indochine, adolescent timide et charismatique… Retour, en cinq rôles, sur la carrière de Jacques Perrin, qui s’est éteint ce jeudi 21 avril à 80 ans.


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La Fille à la valise de Valerio Zurlini (1962)

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© Les Films du Camélia

Abandonnée par un séducteur après quelques jours de liaison, la jeune chanteuse Aïda (Claudia Cardinale) erre dans les rues de Parme à sa recherche. Elle fait la rencontre de l’adolescent introverti Lorenzo (Jacques Perrin), le frère du playboy qui l’a éconduit…

Valerio Zurlini (Journal Intime) offre un rôle dichotomique au jeune Jacques Perrin, alors à l’aube de ses vingt ans. Face à l’ébouriffante Claudia Cardinale, il joue le premier coup de foudre d’un jeune homme romantique mais étriqué, ne sachant pas bien comment inaugurer sa vie amoureuse. Zurlini introduit l’insouciance juvénile de Jacques Perrin au cinéma, attitude qui deviendra une facette importante de son jeu d’acteur. Mais le cinéaste ne se contente pas d’écrire un personnage naïf, il le décrit en proie au trouble, mis à nu devant le sentiment amoureux.

Les Demoiselles de Rochefort de Jacques Demy (1967)

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© Ciné Tamaris

À Rochefort-sur-Mer, deux sœur jumelles (Catherine Deneuve et Françoise Dorléac) vivent de musique et de cours de danse. Elles rêvent de Paris et du grand amour. Une foire s’installe sur la place, juste devant leur fenêtre, elles imaginent alors un ballet pour le jour de la kermesse.

« Il l’a cherché partout, a fait le tour du monde » C’est l’idéal féminin que poursuit cette fois Maxence, peintre poète à la blondeur angélique, mais aussi marin, portant le costume blanc bleu réglementaire. La candeur de Jacques Perrin irradie les images de Demy, elles-mêmes maculées de décors aux couleurs fantaisistes.

Les chansons qu’il interprète – doublées par Jacques Revaux et composées par Michel Legrand -, remuent les cœurs. Bien que Jacques Perrin ne se soit jamais senti très proche de ses personnages chez Demy (plus tard, il sera le prince de Peau d’Âne), il éblouit de son jeu tendre et innocent, face à Michel Piccoli, Gene Kelly et Danielle Darrieux.

Le Crabe-tambour de Pierre Schoendoerffer (1977)

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© Studio Canal

Un commandant d’escadre (Jean Rochefort), atteint d’un cancer incurable, recherche un ancien compagnon d’Indochine, surnommé le Crabe-Tambour (Jacques Perrin), dont il a trahi l’amitié lors de la guerre d’Algérie. Pris de remords, il s’est promis de saluer son courage avant de mourir…

Après La 317e section (1965), Pierre Schoendoerffer fait à nouveau appel à Jacques Perrin, pour incarner le mystérieux lieutenant Crabe-Tambour, dans ce film composé de souvenirs lointains et de regrets.

Schoendoerffer adapte son propre roman militaire et offre à Jacques Perrin un rôle hanté et complexe, qui assoit son statut de jeune premier. En s’éloignant de l’ingénuité de ses débuts, l’acteur – qui fut longtemps officier de réserve dans la Marine Nationale – dévoile une vaste palette de jeu, qui sied parfaitement à son personnage : un homme mirage dont on ne sait rien véritablement, sauf qu’il aime son chat noir à la folie.  

Cinema Paradiso de Giuseppe Tornatore (1988)

Face à l’écran du petit cinéma sicilien privatisé pour lui, Salvatore Cascio (Jacques Perrin) visionne la bobine posthume que lui a léguée Alfredo (Philippe Noiret), projectionniste qui l’a initié au cinéma pendant sa jeunesse. C’est un montage de tous les baisers censurés par le curé à la fin des années 1940. Face à ces images interdites, obscurs objets d’un désir interdit, Salvatore, qui est devenu un grand réalisateur, retombe en enfance.

La caméra dévore chacune de ses expressions – l’émerveillement, l’émoi érotique, le rire, la sidération – dans un champ contre-champ qui fait dialoguer son visage avec les extraits de films en noir et blanc. Tout en crescendo, la partition d’Ennio Morricone accompagne cette ronde d’étreintes. Avec cette bouleversante séquence finale, Giuseppe Tornatore donnait au doux Jacques Perrin le visage d’un cinéma éternel, capable de vaincre la mort et les instances morales.

Z de Costa-Gavras

Après Compartiment tueurs (1965) et Un homme de trop (1967), le cinéaste franco-grec dirige Jacques Perrin dans ce thriller adapté de l’œuvre de Vassilikos, plongée dans les coulisses d’une enquête judiciaire en Grèce, entravée par la corruption des classes dirigeantes. Face à Jean-Louis Trintignant et Yves Montant, Jacques Perrin interprète un journaliste-photographe déterminé à démasquer les faux-semblants. Moustache un brin insolente, traits juvéniles et démarche légère : l’acteur se sert de son minois de jeune premier pour introduire un jeu mutin, impertinent. C’est aussi le film qui consacrera sa carrière de producteur : Z sera à la fois un succès critique et commercial, remportant le Prix du Jury à Cannes en 1970.