« Godland » de Hlynur Pálmason : un western nordique âpre et fascinant

Dans une reconstitution épique et sensorielle, Hlynur Pálmason nous projette dans l’Islande du XIX siècle, au cœur des relations empreintes de violence entre premiers colons danois et autochtones.


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Réinterprétant le récit historique des premières évangélisations de l’île par les Danois, le film conte l’épopée âpre d’un pasteur danois envoyé par-delà les mers, en Islande, pour photographier la beauté immaculée des lieux et y bâtir une église. L’hostilité du territoire n’est pas un prétexte à rejouer une légende conquérante. La mise en scène semble plutôt conditionnée par le climat, chaque plan de la première partie s’appliquant à faire ressentir l’engourdissement des corps transis et la pénibilité du transport des appareils.

Godland produit une étrange proximité, comme si la terre quasi vierge de l’Islande au XIXe siècle devenait familière et tangible. Pálmason trouble les perceptions en soignant la reconstitution d’un cinéma primitif par le cadre fixe et les teintes de la pellicule, saturées et irréelles, évoquant la colorisation artificielle des autochromes.

Mais c’est par le travail naturaliste du son qu’il ramène Godland dans le présent : les éléments naturels sont méticuleusement enregistrés, la pluie, le vent, les herbes qui bruissent, les pas dans la terre meuble. La rigidité de l’image est plongée dans un bain sensoriel : l’humidité et le froid traversent l’écran. Se déploie alors un western nordique et rustique. Progressant pas à pas dans un décor naturel infini, les héros brinquebalants – le pasteur photographe et son guide local méfiant – sont hagards et ahuris. Pálmason relâche la bride à mesure que son film prend une ampleur romanesque.

La rencontre avec la jeune Anna, une habitante de l’île dont le père voit le pasteur d’un mauvais œil, allège le principe formel : la caméra se met à suivre lentement les personnages, comme guidée par les traces de vie qui surgissent ici et là, pendant que s’installe une communauté d’autochtones autour de l’église en construction. Ce fléchissement culmine dans un merveilleux panoramique embrassant toutes les petites joies qui composent un banquet de mariage. C’est cela qui préside à la beauté de Godland : réinventer l’image d’archives en restituant leurs sensations enfouies par le temps.

Godland de Hlynur Pálmason, Jour2fête (2 h 23), sortie le 21 décembre

Image (c) Jour2fête