Expo : « Alain Guiraudie – Photographies »

On connaissait Guiraudie cinéaste et Guiraudie écrivain, le voici désormais photographe. Dans le prolongement direct de ses films et de ses livres, cette série d’instantanés nocturnes dévoile une province hors du temps, à la lisière du fantastique.


ec29271d 2cc7 47f5 93dd 23978e887d72 10 hommeenrougeetjeunefemmederric3a8re 1

Nancy, Angers, Clermont… Aux abois, l’appareil en bandoulière, Alain Guiraudie arpente la France des villes moyennes et s’improvise reporter, dérivant du comptoir d’un rade à un square aux allures de jungle, d’une rue médiévale à une place enluminée de LED. Ici commence la nuit, dans les interstices où se révèle la pénombre de l’inconscient et où se nouent les complicités hors-la-loi. La brillance des tirages n’est pas anodine : elle fait luire la moindre tache de lumière, enveloppant les silhouettes d’un éclat surnaturel.

Loin d’être anecdotiques, les scènes figurées ne sont pourtant rien de plus que ce qu’elles donnent à voir, épousant la tautologie formulée par leur titre : Homme au bar, Clermont jeune à capuche assis, Angers fontaine jeune homme en noir, Nancy homme seul dans un parc et petit garçon de dos… Le regard de Guiraudie se porte sur des micro-détails, sur le non-événementiel au creux de l’existence. Les fantasmes qui guident d’ordinaire ses œuvres cèdent la place à un constat plus factuel.

2b4f12f7 70f2 403d 9a7a 167eb2e1c3b5 1 hommeaubar 1

Homme au bar

A la juste distance, son objectif scrute les zones périurbaines d’une France aux antipodes du microcosme hipster parisien. « Je prends sur le vif, je saisis des gens, des ambiances, des moments. J’ai ce rapport avec la vie et aussi une esthétique », confie le cinéaste. « J’ai trouvé une adéquation, il y a une cohérence entre le sujet et l’esthétique qui devient évidente, à laquelle je n’arrivais pas au cinéma. »

ada7c17b a962 4fa4 8f74 65c0c0c4218d 13 clermont2jeunesfemmessurfondnoir 1

Jeunes femmes sur fond noir

La précision formelle de chaque tirage – le piqué nocturne, les clairs obscurs – ne fait qu’en souligner leur réalisme teinté d’onirisme. L’ennui, le désœuvrement ou la solitude y prédominent, comme un carbone inversé de la start-up nation. Le cosmique rejoint ici le prosaïque, capturant la poésie d’un monde où la lutte des classes n’a pas dit son dernier mot, bien que l’obscurité estompe les distinctions sociales.

Image de couverture : Homme en rouge et jeune femme derrière

Alain Guiraudie – Photographies, jusqu’au 4 mars 2023, Galerie Crèvecœur, 7 rue de Beaune, Paris