Sous la crinière blond cendré, les yeux qui s’animent et la cavalcade de phrases ponctuées d’un rire franc. « Désolée, ma belle, j’ai jamais réussi à rouler mes cigarettes autrement que comme des pétards », lance la Parisienne en attendant son cocktail de fruits. Au creux d’une voix éraillée s’animent les mille vies – elle a été barmaid, gogo danseuse, dame pipi, doubleuse de porno allemand… – que cette humoriste égrène dans un spectacle joué actuellement au Point Virgule et conçu en 2018, au révéré Montreux Comedy Festival. « J’arrivais de dix ans de vie en Espagne et me lançais tout juste dans l’humour. Je pensais qu’il s’agissait d’un petit plateau, mais j’ai appris le jour-même que j’allais jouer devant 1500 personnes alors que j’avais fini d’écrire mes blagues la veille. »
Et c’est en évoquant sans détour ses addictions passées – notamment l’héroïne, dont elle fut longtemps dépendante et qu’elle évoque dans ses sketchs pour « qu’on arrête de penser que les junkies sont de mauvaises personnes ; ils ont juste des chemins de vie différents » – que Doully trouve un point d’entrée où façonner son humour et construire un rapport intime au public.
Ayant remplacé « une addiction par une autre, plus saine », elle co-anime depuis deux ans le journal du Groland (émission culte des cinéastes Kervern et Delépine) et travaille ses saillies dans son minuscule appartement parisien, avant de se lancer sans filet dans les comedy clubs de Paris, jamais très loin de Blanche Gardin, qui a co-écrit son spectacle. Des oscillations que la trentenaire cultive désormais aussi au cinéma.
Elle incarne ce mois-ci une féministe aux prises avec le « parler inclusif » au sein du collectif des « Colle Girls » qui fait vrombir En même temps du duo Kervern et Delépine. « Il fallait arriver à être assez naturelle car c’est pratiquement comme parler une autre langue ! Ce qui est chouette dans leur cinéma, c’est qu’il n’y a rien de moralisateur et que les femmes galèrent aussi, qu’elles se questionnent », analyse Doully, qui se glissera prochainement dans des rôles plus graves, notamment chez Jacques Doillon (CE2) et dans la série Reuss (France TV Slash). Une neuvième vie qu’elle nourrit des déconvenues et fulgurances du quotidien.
Portrait (c) Betty Kilk