Côté court 2024 : nos 5 coups de cœurs

Pour sa 33ème édition qui a lieu du 5 au 15 juin à Pantin, le Festival Côté Court nous offre une belle programmation placée sous le signe de la singularité et de la diversité. Petite sélection des films qui nous ont fait le plus vibrer.


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La Distraction de Valentine Guégan et Hugo Lemaire

Le duo Valentin Guégan et Hugo Lemaire revient pour la troisième fois à Côté court avec ce nouveau film autoproduit. Au cœur de l’histoire, la procrastination de Lucie, qui doit rendre son mémoire en seconde session à la rentrée de septembre.

Mais ce retard s’apparente davantage à un prétexte narratif pour expérimenter une mise en scène d’une grande liberté. Une déambulation existentielle placée sous la beauté estivale des rues et des parcs de Paris, magnifiée par l’image noir et blanc du très prometteur Quentin Lacombe (chef-opérateur de Rapide de Paul Rigoux, L’Espace Rapide de Marin Gérard et Ode à l’amour de Faeze Karimpour).

Cet affranchissement de la structure classique du scénario évoque les films du cinéaste Hong Sang-soo. La séquence dans un parc, où les discussions des étrangers prennent le pas sur les pensées de Lucie, semble faire écho celle de A-reum dans un café, dans Grass (2018) du cinéaste sud-coréen. On a très hâte de découvrir le premier film produit de ce duo prometteur, Mon Noël anticapitaliste, qu’ils viennent de terminer.

Tomber l’Amour de Garance Kim

C’est également la troisième apparition de Garance Kim au Ciné 104 de Pantin. Réalisatrice, scénariste et actrice, Garance Kim sait tout faire. Aux côtés du sympathique Martin Jauvat – lui aussi acteur et réalisateur – dans Ville Éternelle (2022), ou dans un registre plus expérimental dans Bruits de souvenirs (2023), la jeune parisienne signe pour l’instant un parcours sans faute.

Dans Tomber l’Amour, elle est accompagnée par Théo Costa-Marini (vu dans Astrakan de David Depesseville) à l’écriture et au jeu. Ensemble, ils incarnent un couple de vieux vingtenaires (ou de jeunes trentenaires), dans ce qui pourrait bien être leur dernier week-end en amoureux. Grâce à une interprétation et une écriture des dialogues irréprochables, ils capturent avec humour et une tendresse douce-amère la complexité des relations amoureuses contemporaines.

Artistes en zone troublés de Lionel Soukaz et Stéphane Gérard

Depuis plus de 15 ans, Lionel Soukaz et Stéphane Gérard collaborent pour produire des films issus des bandes filmées depuis 1991 par Lionel Soukaz pour son Journal Annales. Un journal vidéo composé de plus de 2000 heures de rushes, où le cinéaste capte, aussi bien dans sa sphère privée qu’au travers de manifestations publiques, l’agitation des années 1990 et le cauchemar des années SIDA. Dans Artistes en zone troublés (référence à l’AZT, l’un des premiers médicaments prescrit pour ralentir le VIH-sida), le cinéaste filme son intimité avec son compagnon, l’artiste Hervé Couergou, décédé en 1994.

À partir de ces images d’archives, Stéphane Gérard réalise un travail de montage formidable. Il intègre des surimpressions d’une grande poésie – tantôt des paysages filmés par Soukaz, tantôt des dessins de Couergou – qui évoquent les plus beaux films de Jean-Luc Godard (qui fait une apparition dans Journal Annales), tels qu’Éloge de l’amour (2003) ou Adieu au langage (2014). Montées plus de 30 ans après leur prise, les images résonnent comme un très bel hommage à Hervé Couergou, ainsi qu’à tous les disparus du VIH-sida, laissant planer un voile de mélancolie qui touche en plein cœur.

Le Soleil chante à l’horizon de Marin Gérard

Pour sa nouvelle apparition au festival pantinois, le cinéaste et critique Marin Gérard propose une suite directe à son deuxième court métrage, À l’ombre l’après-midi (2022), où Quentin faisait la rencontre de Lise. Rassurez-vous, il n’est pas nécessaire de l’avoir vu pour apprécier ce nouveau petit bijou.

Cette fois, on suit l’introvertie Lise, incarnée par la géniale Mathilde Weil, dans sa virée à la campagne au cœur d’une ferme collaborative remplie d’artistes bobo-ultra-cools. Théâtre, musique, poésie… L’art sous toutes ses formes anime les discussions et les activités de ce lieu presque irréel.

Loin des buttes parisiennes qui servaient de décor à ses deux précédents courts métrages et sans son acteur fétiche, le chevelu Quentin Dolmaire, Marin Gérard réalise un nouveau film particulièrement maîtrisé. Le jeune cinéaste parvient à saisir, au travers d’une multitude de détails présents dans les dialogues et le jeu des acteurs, la difficulté des relations sociales pour les plus réservés. Cette importance accordée aux dialogues rappelle sans nul doute le meilleur du cinéma de Guillaume Brac ou d’Éric Rohmer.

Romy & Laure… Happées par Le Trou Spatio-Temporel de Romy Alizée et Laure Giappiconi

C’est le retour des fabuleux ciné-conte de et avec le duo queer et féministe Romy Alizée et Laure Giappiconi. Un format original composé de photographies argentiques, que les truculentes réalisatrices avaient déjà mis en place dans Romy & Laure… Et le secret de l’Homme Meuble en 2019 et dans Romy & Laure… et Le Mystère du Plug Enchanté en 2020.

Cette fois, il est question d’un couple piégé par l’atonie du quotidien et des habitudes. Lors d’une énième sortie dans leur cinéma préféré (le Saint-André des Arts, mythique cinéma d’art et d’essai du quartier Saint-Michel), Romy et Laure se retrouvent alors plongées dans une aventure particulièrement déroutante. Entre failles temporelles, embrouilles de couple et une antagoniste qui a mangé un rouge à lèvres, le monde que nous dévoile le duo d’artistes est d’une liberté envoûtante. Mention spéciale pour Super Titi, le petit chat masqué (beaucoup trop mignon).

Image : © DR