Comme en réaction à l’univers urbain foisonnant de son précédent film, « The French Dispatch », Wes Anderson plante son nouveau terrain de jeu dans les plaines désertiques du sud-ouest des États-Unis avec « Asteroid City ». Dans une minuscule ville fictive située aux abords d’un cratère se croise une foultitude de personnages hétéroclites. Ils seront amenés à faire une rencontre historique, rapportée et commentée, en parallèle, dans les coulisses d’un théâtre.
Ces environnements, comme cette narration à double niveau, permettent à Anderson d’assumer plus que jamais le caractère pastiche et suranné de ses films : bidouillant les perspectives, exacerbant les contrastes, son nouveau livre d’images n’aurait pu voir le jour sans les talents de deux membres clés de sa famille de techniciens. L’Allemand Simon Weisse, en charge des miniatures, est un fidèle d’Anderson depuis The Grand Budapest Hotel. Le Français Stéphane Cressend fut, une nouvelle fois après The French Dispatch, chargé de la construction de tous les décors. Tous deux nous racontent la création de l’univers d’Asteroid City, entre minutie obsessionnelle et chantiers cyclopéens.
1 – Tableaux
Imgae (c) Stéphane Cressend
Stéphane Cressend : « Au début de notre travail sur Asteroid City, Wes Anderson nous a fourni un story-board animé, une sorte de BD qui s’apparente à du Sempé avec une touche plus punk. Ce document définit chaque plan du film. On a même la focale qui sera utilisée au tournage ! À partir de cet élément, l’équipe de décoration conçoit des peintures d’ambiance, puis des dessins techniques qui me permettent de construire les décors, comme cet intérieur que j’apprécie particulièrement, avec ses tons très pastel. Et puis on y décèle bien le caractère obsessionnel de Wes, car les trois tableaux que l’on voit dans cette photo étaient déjà présents, quasi tels quels, sur son story-board animé ! »
2 – Le motel
Image (c) Simon Weisse
SC : « Les extérieurs du film ont été tournés à Chichon, une ville située au sud de Madrid où Orson Welles avait tourné deux films. Nous avons dû aplanir le terrain, ajouter la route et les éléments de décors, dont une centaine de faux cactus. Nous avons également recouvert les cinq hectares de ce plateau à ciel ouvert d’un sable soigneusement échantillonné. Tout autour du décor, nous avons construit deux kilomètres de palissade : c’était un plan incliné de deux à trois mètres de haut, recouvert de toile de jute sur laquelle nous avons projeté de la matière sableuse. La palissade permettait de simuler une ligne d’horizon au dessus de laquelle nous placions nos énormes fausses formations rocheuses. »
Simon Weisse : « En plus de concevoir toutes les maquettes, mon équipe a construit plusieurs accessoires pour Asteroid City, comme ces distributeurs automatiques que l’on voit aux abords du motel.
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3 – Le train
Image (c) Simon Weisse
SW: « Je n’aime pas beaucoup les trains miniatures. Ça me rappelle les jouets prisés par les modélistes amateurs. Sauf que ce train, que retouche ici ma précieuse collaboratrice Susanna Jerger, est différent de ce que l’on voit habituellement : Wes et son chef décorateur, Adam Stockhausen, nous ont demandé de travailler spécifiquement à partir d’un train miniature américain. Ce sont de vrais petits véhicules à l’échelle 1/8e. Un train « miniature » de ce genre a donc été acheté aux Etats-Unis – ils sont introuvables en Europe – et nous avons tout refait, de la carcasse au moteur. Nous avons également créé tout ce que les wagons transportent : les voitures mais aussi les avocats qu’il a fallu sculpter, tirer en résine puis peindre un à un. Pour ajouter des détails sur ce type de maquette, il nous arrive d’utiliser des pièces de maquettes du commerce, en particulier de tanks. »
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4 – Rochers
Image (c) Simon Weisse
Stéphane Cressend : « Une partie du générique d’ouverture a été filmée dans le décor principal du film. C’est donc mon équipe qui a conçu les formations rocheuses que vous voyez ici. Pour fabriquer ces sortes de caricature de Monument Valley, nous avons fait des maquettes en pâte à modeler. Une fois validées, les maquettes ont été scannées, puis découpées dans de gros blocs de polystyrène à l’aide d’une fraiseuse pilotée par ordinateur. Chaque bloc ainsi obtenu a été fixé sur des structures en acier et une équipe de vingt sculpteurs a ensuite ajouté des détails. Certains rochers étaient énormes, et le vent pouvait atteindre 100 km/h sur la plaine où nous tournions. Il fallait donc solidement arrimer les rochers au sol pour éviter qu’ils ne soient emportés. »
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5 – La ville
Image (c) Simon Weisse
SW : « Cette petite ville, sur laquelle travaille ma fille, Lucy Weisse, est un décor miniature un peu atypique pour nous, puisqu’il est assumé dans le film comme factice. Comme toujours avec Wes, nous partons de dessins très détaillés. Or, pour valider notre travail, Wes ne veut voir des photos de nos maquettes que dans le cadre et la perspective définis en amont. Pour nous assurer que nous respectons sa vision, nous filmons les premières études de nos décors miniatures en les superposant avec le dessin qu’il nous a fourni. Peindre une maquette telle que celle-ci est un défi en soit : il est très difficile d’obtenir les détails adéquats à cette échelle, il faut être très fin. Peu de gens ont ce savoir-faire. »
Image (c) Stéphane Cressend
Asteroid City de Wes Anderson, Universal Pictures (1 h 45), sortie le 21 juin