EDITO – « C’est un long chemin vers soi, vers ces secrets que j’ai découverts au fil d’une enquête qui a duré presque vingt ans. » À 42ans, Jean-Baptiste de Laubier, plus connu sous son pseudo de musicien electro, Para One, se révèle en cinéaste chaman. Dans Spectre. Sanity, Madness & the Family, son premier long métrage (mais il a déjà réalisé une poignée de courts), il explore les zones d’ombre et les fantômes de sa propre histoire. Celle d’une famille bourgeoise et catho de province qui bascule dans une secte lorsque l’une des enfants développe des troubles psychiatriques.
Mais ce n’est pas si simple : sur cette trame qui à tout l’air d’un documentaire intime, le cinéaste agrège de la (science-)fiction. Dans le monde étrange et mélancolique du film, deux soleils brillent, les noms des protagonistes sont inventés, les archives familiales sont fabriquées, les images détournées, déformées. Le film entretient de nombreux et fascinants liens (revendiqués) avec ceux de Chris Marker, qui fut le directeur de fin d’études de Para One à La Fémis –et particulièrement avec Sans soleil.
Pêle-mêle : les images rapportées de voyages (chez Para One, c’est pour filmer et enregistrer un chœur de femmes bulgares ou un orchestre indonésien), la fascination pour le Japon, l’animisme des machines et des objets, un montage fragmenté comme la mémoire et le temps… Au bout du chemin, on se fiche de savoir ce qui est vrai ou ce qui est faux. Ce qui compte, ce qui bouleverse, c’est l’apaisement d’un cinéaste qui finit par mettre au jour un émouvant secret au sujet de son père. On pense alors à cette phrase du narrateur dans La Jetée de Chris Marker, à propos d’une femme recevant les visites d’un voyageur venu d’un futur dévasté : « Elle l’accueille simplement. Elle l’appelle son spectre. »
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