Le titre prescriptif du dernier court métrage de Caroline Poggi et Jonathan Vinel, enfants terribles du cinéma français, est à prendre au pied de la lettre – ou plutôt à bras le corps. Il faut se jeter dedans sans l’intellectualiser, comme on embraserait les flammes de l’apocalypse. Dans cet essai expérimental, le duo de réalisateurs arpente les montagnes de leur Corse natale, ravagée par des incendies. L’héroïne du film, capuche noire et bidon d’essence rouge au poing, est une pyromane compulsive, mais d’un genre plutôt humaniste. En voix-off, elle commente avec un romantisme désespéré la beauté macabre de ce spectacle : « On raconte que dans chaque brasier, on peut entendre une mélodie ». Juste avant d’embraser des maquis, et de poursuivre son chemin solitaire.
Chez n’importe qui d’autre que Caroline Poggi et Jonathan Vinel, ce geste radical prendrait des airs de philosophie nihiliste. Ici, il s’agit plutôt d’une utopie régénératrice, qui consiste à faire feu de tout bois pour que naisse autre chose, que l’herbe repousse, plus fortifiée. A l’heure de la consommation de masse, de la course effrénée à la matérialité, est-ce que l’ultime geste engagé ne consiste pas à détruire (« C’est plus facile de construire que de faire disparaître », dira cette activiste qui ne se réclame de rien, si ce n’est de la politique de la terre brûlée) ?
Caroline Poggi et Jonathan Vinel signent le nouveau clip de Lafawndah
Jamais démonstratif, ce manifeste politique prend la forme d’un poème urbain, peuplé de carcasses de voiture calcinées, de troncs d’arbres décapités, rachitiques comme des corps déshydratés. Le feu, personnifié comme un ennemi avec qui cohabiter, rampe, lèche les parcelles de terre. Comme souvent chez Poggi et Vinel – leur premier long, Jessica Forever, greffait l’esthétique immersive et l’hyperviolence graphique des jeux vidéo à un décor de banlieue pavillonnaire -, les formats s’hybrident pour créer un monde à mi-chemin entre le familier et le chaos.
On en sait plus sur le prochain film de Caroline Poggi et Jonathan Vinel
Aux archives télévisées de Canadair dans le ciel, aux vidéos verticales filmées au téléphone portable, sortes de matériaux impersonnels et impuissants, se succèdent de pures images de fiction. Tout comme le feu « cautérise » la plaie, selon la narratrice, les réalisateurs cautérisent par l’image. Incrustations, effets spéciaux maison, surimpressions : des brasiers viennent se loger partout, au creux d’un arbre, au milieu d’un visage, pour nous rappeler que si le feu dévaste, il est aussi l’arme naturelle qui a permis à l’homme de se révolter.
Le film est visible sur le siteSpazio Maiocchijusqu’au 25 février