Décris-toi en trois personnages de fiction.
Le premier personnage de fiction auquel je me suis identifié est Alice, dans Alice au pays des merveilles et De l’autre côté du miroir et ce qu’Alice y trouva. Je pensais que le sens de la vie était de suivre le premier lapin blanc venu dans un souterrain ou de trouver des portes pour basculer de l’autre côté du monde. Ensuite je me suis identifié aux personnages d’enquêteurs chez , comme Jeffrey Beaumont ou l’agent Cooper – même si, physiquement, avec les années j’allais plutôt du côté d’Hercule Poirot ou du Dr. Jacoby ! Enfin, je me suis reconnu dans celui de Julie, la bibliothécaire ésotérique, de Céline et Julie vont en bateau. J’ai toujours eu besoin d’une Céline, c’est-à-dire d’un ou d’une ami(e), pour me rendre dans de maisons terrifiantes afin d’y sauver un peu d’enfance ou pratiquer ce qui me semble l’art de vivre par excellence : l’amitié magique.
Paloma, quelle cinéphile es-tu ?
Trois scènes de films où l’on peut entrevoir le « Paris des profondeurs » ?
La première fois que je l’ai aperçu, c’est dans Le Locataire de Roman Polanski : lorsque le personnage de Trelkovski se rend dans les toilettes de son immeuble parisien et les graffitis se transforment en hiéroglyphes. Puis évidemment c’est dans Out 1 de Jacques Rivette : en particulier lorsque, au dernier plan de ce très long film de 13 heures, on voit Marie, le personnage joué par Hermine Karagheuz, devant la statue d’Athéna Porte Dorée qui regarde et, peut-être, nous fait signe pour qu’on la rejoigne. Enfin, mais c’est un classique et une évidence, le Paris des profondeurs nous engloutit littéralement dans la dernière séquence des Enfants du Paradis de Marcel Carné, pendant le carnaval sur le Boulevard du Crime.
Trois labyrinthes de cinéma dans lesquels tu aimerais te perdre ?
Le labyrinthe obsédant de M. Arkadin d’Orson Welles ; le labyrinthe fascinant de Blow-Up d’Antonioni ; le labyrinthe bouleversant de L’année des 13 lunes de Rainer Werner Fassbinder.
Trois films alchimiques ?
Évidemment Inferno de Dario Argento. Profondément Toby Dammit de Federico Fellini. Passionnément Ultra Pulpe de Bertrand Mandico.
Trois cinéastes qui mériteraient selon toi leur rue dans Paris ?
Yannick Bellon, Juliet Berto et Jacques Rivette.
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Le film idéal à regarder à 3h du matin, une nuit d’insomnie ?
Solaris d’Andrei Tarkovski parce qu’on finit par ne plus distinguer les visions du film de nos rêves.
Trois films trop méconnus que tu voudrais faire découvrir ?
La mémoire courte d’Eduardo di Gregorio (dans lequel Jacques Rivette joue le « premier traducteur de Borges » découvrant une filière d’anciens nazis en Argentine) ; La vraie histoire de Gérard Lechômeur de Joaquin Lledo (dans lequel Pierre Clémenti joue Gérard de Nerval dans les années 1970) ; Les lionceaux de Claire Doyon (dans lequel Jacno et Dani jouent des parents comme on n’en a jamais vus).
Trois souvenirs intimes liés au cinéma dans Paris ?
Enfant, j’ai vu Pierre Richard chez un fleuriste alors que j’étais avec mes parents, avant d’aller dîner dans la famille de mon père. Je suis allé lui parler et il était gentil, drôle et totalement identique aux personnages de ses films. Récemment, j’ai participé à un tournage de Bertrand Mandico dans le Théâtre des Amandiers vide, pendant le deuxième confinement. Le voir travailler et voir Elina Löwensohn se préparer à jouer ont été de l’ordre de la leçon artistique absolue. Et puis sinon il y a eu l’émotion de voir une grande salle applaudir Hermine Karagheuz, après une projection de Duelle de Jacques Rivette, à la Cinémathèque Française.
Trois films crasseux dont tu pourrais faire de l’or ?
Je n’aime pas parler de ce que je n’aime pas ! Alors je vais donner les noms de trois films pas géniaux que j’ai dans ma dvd-thèque : Vous n’aurez pas l’Alsace ni la Lorraine, La vengeance du serpent à plumes et Le roi des cons. Leur point commun, c’est qu’il y a au moins une scène avec Luis Rego dans chacun. Et un film pas génial avec une scène sauvée par le jeu électrique de Luis Rego est souvent meilleur à mes yeux qu’un film génial ! C’est lui qui prend la crasse et qui en fait de l’or.
Paris des profondeurs de Pacôme Thiellement, disponible le 9 septembre
Photographie (c) Jérôme Panconi