Comment est né ce film ?
Depuis novembre 2018, j’ai participé à pas mal de manifestations pour le climat et j’étais très touché par ces jeunes réunis qui disaient leur angoisse. Moi, à leur âge, je n’étais pas préoccupé par le réchauffement climatique. J’ai eu envie de les aider, de réfléchir avec eux à leur stratégie. Dans le même temps, on m’a proposé de travailler sur un documentaire qui traiterait de l’extinction de masse des espèces. J’ai eu l’idée de raconter ces deux histoires dans le même film. Avec l’intuition que le problème du climat et celui des espèces sont liés, que c’est un seul et même problème.
Comment vous est venue l’idée de faire de ces deux ados les guides de ce périple ?
Je voulais confronter Bella et Vipulan à des situations qui les amènent, à la fin du film, à être un peu différents de ce qu’ils étaient au début. L’objectif étant que ce même processus s’opère chez les spectateurs, qu’en sortant de la salle de cinéma ils regardent le monde différemment.
Il y a une séquence très forte dans un élevage intensif de lapins. Comment avez-vous eu l’autorisation de tourner ?
C’est l’éleveur qui nous a contactés. Il voulait témoigner de ses conditions de travail et de sa situation économique très difficiles. Au tout début, il ne voulait pas apparaître à l’image. Il a finalement changé d’avis. L’éleveur comprend que l’on puisse être très choqué par les conditions de vie de ses lapins, mais il explique qu’il est prisonnier d’un système : si on veut produire en grande quantité et le plus rapidement possible pour que tout le monde puisse manger de la viande tout le temps, alors on doit produire comme ça. Dans cette séquence, on voit trois personnes complètement en désaccord [Bella et Vipulan sont véganes, ndlr] qui se parlent et expliquent leur point de vue.
Vous n’avez jamais eu peur de confronter Bella et Vipulan à des situations trop dures pour eux ?
Je voulais que l’on soit traversé par des émotions fortes, comme l’émerveillement, mais aussi qu’on ressente la douleur, la violence de ce qu’on fait subir au monde vivant, parce que si on ne ressent pas les choses, on ne fait rien ! Vipulan et Bella sont des ados solides. Vipulan vit seul avec sa maman, son papa est mort quand il avait 12 ans. Il est lycéen, il est militant, il est très autonome. Quant à Bella, à 14 ans elle sortait de chez elle par la fenêtre la nuit, en cachette, et rejoignait Richmond Park, un grand parc londonien, pour tenter de voir des cerfs. Bella et Vipulan étaient déjà des personnes très audacieuses avant le tournage du film !
Et comment les avez-vous trouvés ?
Vipulan, je l’ai rencontré lors d’une grève pour le climat, il faisait partie d’une petite délégation auprès de la militante Greta Thunberg. Et Bella, je l’ai repérée sur Twitter. Elle est l’une des ados vraiment très engagés sur la question des animaux sauvages. Les autres étaient tous très focalisés sur le climat.
À travers ce film, quel public souhaitez-vous toucher ?
Le but, c’est de créer des conversations, idéalement entre générations. Un jeune qui sort du cinéma et qui interpelle ses parents sur leur consommation de viande, sur le plastique dans leur maison, sur leur vote aux prochaines élections… c’est ce que j’aimerais provoquer.
J’ai regardé le film avec mes parents, et c’est tout à fait le genre de conversation que j’ai eu avec eux ensuite.
Eh bien voilà ! Je suis ravi. (Rires.)
Comment les jeunes en France peuvent, selon vous, être entendus ?
Il faut secouer les adultes qui sont au pouvoir aujourd’hui, comme Greta l’a fait à Davos, leur dire : « C’est notre futur ! On veut que ça change ! » Et quand tu t’adresses à un responsable politique pour lui demander des actions ou les critiquer, il faut que tu connaisses un peu les dossiers, que tu t’intéresses à ce qu’il va faire, à ce qu’il faudrait faire. Cela fera de toi un citoyen éclairé, un adulte conscient.
Animal de Cyril Dion, UGC/Orange Studio (1 h 45), sortie le 1er décembre.
Photographie : Julien Lienard pour TROISCOULEURS