Christophe Honoré : « Je ne suis jamais tellement sorti de ma chambre d’adolescent »

Dans « Le Lycéen », Christophe Honoré saisit le vertige du deuil d’un ado gay. Une autofiction fiévreuse, à travers laquelle le cinéaste retraverse les sentiments intenses de sa propre adolescence, où se logent peut-être les prémisses de sa vocation d’artiste. Entretien.


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Dans votre pièce Le Ciel de Nantes (2019), qui fantasmait une réunion de votre propre famille sur scène, le personnage de votre mère vous demandait, à propos d’un éventuel prochain film qui aborderait l’accident de voiture qui a tué votre père, pourquoi vous aviez toujours besoin de vivre les choses deux fois.

Quand j’ai fait Le Ciel de Nantes, j’étais en train d’écrire le scénario du Lycéen. J’aimais bien cette idée que ma mère me fasse ce reproche avant même que ça arrive. C’est une période qu’elle n’a pas forcément envie que j’aborde frontalement, je pense. C’est mon petit frère Julien Honoré qui jouait le personnage de ma mère dans le spectacle, c’était aussi une manière de le prévenir… C’est presque une définition un peu naïve du cinéma, cette idée que ça permettrait de vivre les choses deux fois. Mais si je regarde aujourd’hui les films que j’ai faits, je vois bien qu’ils sont des échos plus ou moins fictionnés d’émotions, d’évènements réellement vécus. J’ai du mal à m’engager dans un film si je n’ai pas l’impression qu’il y a un cœur vrai, quelque chose qui a été traversé et qui peut être rejoué. Il y a toujours l’idée d’un retour. C’est une espèce de défi de se dire qu’il y a la possibilité de créer une beauté à partir de ça. Et quand je dis « beauté », ce n’est pas pour désigner une forme qui impressionne. C’est plus de réussir grâce au cinéma à capter un mystère.

Avant Le Lycéen, l’accident de voiture de votre père, survenu alors que vous étiez ado, est apparu dans beaucoup de vos livres – Scarborough, Le livre pour enfants, Ton père… À quoi correspond cette recherche sur cet événement ?

L’accident en lui-même, c’est une scène impossible à raconter pour moi. Pour ma mère, ce serait offensant, il y a une morale qui m’interdit ça. Et puis, je n’en ai pas été témoin. En revanche, l’accident raté [rejoué dans le film, la voiture sort de la route sans que cela ne blesse Lucas et son père, ndlr] que j’ai vécu juste avant avec mon père, je suis souvent revenu dessus, parce que je lui accorde un statut de prémonition. Dans mon esprit, c’est le dernier moment fort vécu avec lui. En plus, c’était un moment clandestin – je le réentends me dire « Tu n’en parles pas », comme s’il était honteux de ce qui s’était passé. Le rejouer, en plus en interprétant mon père, c’était particulier. Et puis, c’était le tout premier jour de tournage. Ça nous a beaucoup liés avec Paul, qui était tremblant, mais j’étais plus vulnérable que lui. Je n’étais pas à ma place de contrôle. Je me délestais de ce souvenir.

On se sépare des choses quand on les filme. À un souvenir, on substitue une fabrication, qui finit par cacher la mémoire. Pour moi, c’était évident qu’il fallait que je sois au volant dans le rôle du père. J’aurais trouvé indécent de demander à un comédien de faire ça. Je l’ai un peu fait pourtant, dans mon tout premier film, 17 fois Cécile Cassard [sorti en 2002, le portrait d’une femme en dix-sept moments, ndlr]. Il démarre avec un accident, très stylisé, où le fantôme de mon père vient parler à Béatrice Dalle. Et, ce qui est fou, c’est que l’acteur qui joue ce fantôme, c’est Jérôme Kircher, le père de Paul – je ne savais pas qu’il était son fils quand je l’ai choisi. Jouer le père, c’était une façon de donner absolument le rôle du fils à Paul, de lui dire qu’à aucun moment ce rôle-là c’était le mien. Ensuite, un père qui ne sait pas conduire, je trouve que c’est une bonne image du metteur en scène.

Vous avez écrit dans votre roman autofictionnel Le Livre pour enfants (2005) que vous élisiez l’adolescence comme territoire de fiction, au même titre que l’homosexualité et la Bretagne. C’était comme un serment que vous vous faisiez ?

Le Livre pour enfants a été écrit avant la naissance de ma fille [elle a aujourd’hui 17 ans, ndlr]. J’essayais de comprendre où j’étais, d’admettre que j’étais capable de faire ce que je voulais. Depuis, plus de quinze ans sont passés, je ne me suis pas beaucoup déplacé, mais un petit peu quand même. Déjà, ma fille est ado, dans un sens elle me chasse un peu de mon adolescence. En tout cas, je n’ai pas envie que ça vienne lutter avec la sienne. D’ailleurs, je ne lui ai pas encore montré ce film. Ce n’est pas un hasard. Je crois que c’est la première fois que ça m’embarrasse un peu.

Pourquoi ?

Quand on est parent, on n’a pas tellement envie d’imaginer la vie de nos enfants. On a un rapport à eux qui a tendance à vouloir les figer dans l’enfance, à être dans une anxiété de leur passage au monde adulte. C’est quand même un des sujets du film, alors je voudrais qu’elle ne le prenne ni comme une façon de la pousser dans le monde adulte, ni comme une comparaison, et qu’elle ne se demande pas non plus systématiquement ce qui est vrai et ce qui est faux. En même temps, si je me suis dit que c’était maintenant qu’il fallait faire Le Lycéen, c’est aussi lié à l’âge de ma fille. J’avais l’impression que c’était la dernière limite, qu’après je n’avais plus le droit. Parfois, je me demande pourquoi j’ai attendu aussi longtemps pour me confronter frontalement à ce projet. Je pense que son âge a participé à une urgence.

e84b163b b159 4120 98ee 50000d0aff03 lelycc3a9en2Christope Honoré, sur « Guermantes » : « Tout se serait effondré si j’avais choisi quelqu’un d’autre pour incarner le metteur en scène. »

Votre cinéma travaille beaucoup le motif de la chambre. En quoi vous semble-t-il intéressant ?

Quand il y a un lit, je ne me pose jamais la question de là où je dois poser la caméra. Par exemple, quand il y a une table, ça m’angoisse, je ne sais pas filmer les gens autour. Mes scènes de table sont souvent filmées avec une multiplicité de points de vue, comme si je ne savais pas choisir. Alors que mes scènes de chambre, il y a souvent très peu de points de vue. Là, la scène dans la chambre de Lucas, où il fait sa crise de nerfs et où toute la famille arrive autour de son lit, elle ne ressemble en rien à la chambre que j’habitais chez mes parents à Rostrenen [commune des Côtes-d’Armor, ndlr]. Mais elle rejoue quelque chose dont j’ai une mémoire très vive, de ce moment où j’ai compris que mon père était mort, de l’incapacité de le gérer physiquement, de l’émotion et du caractère insensé qui surgit, et de l’envahissement de son espace par les adultes de la famille. Et de l’impossibilité de leur dire qu’ils n’ont pas le droit d’être là. En 1985, il y avait une autre chambre dont j’ai beaucoup parlé dans mes livres, ma chambre d’interne à Saint-Brieuc. On était très peu d’internes en seconde, donc on avait des chambres de pion et on était très libres. Pour moi, c’est la première chambre…

C’est là que la fiction est arrivée dans votre vie ?

Oui, parce que c’était la chambre que je pouvais quitter sans avoir à demander l’autorisation. Moi, j’étais un peu plus jeune que le héros du film, j’avais 15 ans. C’était la chambre que je quittais pour aller au cinéma, et puis c’est aussi la chambre de la première aventure sexuelle. Tout ça s’est passé dans une période courte : septembre, octobre ; mon père est mort début novembre. J’ai l’impression que je ne suis jamais tellement sorti de cette chambre d’adolescent.

Lorsque vous étiez ado, vous vous faisiez beaucoup de promesses par rapport à ce que vous alliez devenir ?

Je me méfie de ce que je pourrais dire. Mais, non, je crois que c’est vrai. Après la mort de mon père, je me disais : « Plus personne ne m’empêchera de faire du cinéma » ; puis, après, « Tout va m’en empêcher ». J’avais déjà émis mon désir de faire du cinéma, et j’avais déjà entendu mon père ricaner à cette idée. Moi, je n’ai pas une nature de Rastignac, ce désir ce n’était pas « À nous Paris ! ». J’étais convaincu que ça n’allait pas arriver, mais que je ne ferais rien d’autre, et donc que ma vie était foutue. Je me rappelle qu’un des premiers textes que j’ai écrits, c’était une lettre parue dans le courrier des lecteurs des Cahiers du cinéma. Ça devait être deux trois mois après la mort de mon père. Ces cinq lignes… je n’ai pas compris pourquoi tout le lycée ne s’est pas arrêté. Pour moi, c’était essentiel, une première marche. La deuxième marche, c’était créer un ciné-club dans ce nouveau lycée, photographier sans cesse mes amis, commencer à écrire de très mauvais scénarios, et abandonner ce statut de bon élève en passant mes cours à faire autre chose qu’étudier. Et évidemment que c’est un peu dégueulasse de dire et de penser que, dans un sens, j’ai profité de la mort de mon père.

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Mais, pour autant, vous ne cédez pas à cette idée un peu trop évidente, celle qui dirait que c’est cette mort qui a fait de vous un artiste.

Ça me paraîtrait trop facile, en fait. Surtout, je trouverais ça, ouais, obscène. Ce qui est sûr, c’est que j’étais terrifié par mon père. C’est le moment où le mot « homosexuel » est devenu plus incarné pour moi. Et le passage à l’acte se joue vraiment autour de la mort de mon père. Donc, oui, il y avait l’idée de libération. C’est très dur pour moi d’imaginer comment les choses auraient été vécues sans cet événement-là. J’aurais certainement mis plus de temps à admettre des choses. Le film essaye d’exprimer ces émotions qui sont très proches de la mort, quinze jours, trois semaines, un mois après. Oui, j’ai l’impression que les choses se sont jouées là, dans la permission, l’idée d’assumer. C’est pour moi le premier moment de solitude : ça ne peut naître que de la solitude, d’affirmer un désir de cinéma. Je me souviens d’avoir eu l’impression que je ne devais plus rien à personne. Puisqu’on m’avait trahi, je pouvais trahir mon milieu, ce qu’on attendait de moi. Je croyais à l’époque que c’était de continuer à faire maths sup, maths spé, de continuer à avoir des copines, de finir par me marier… Cette impression, quand on a 14-15 ans, que notre vie est déjà tracée.

« Mes premières projections, ce sont les photos de mannequins en sous-vêtements dans les catalogues 3 Suisses. »

Juste avant l’accrochage que vous avez interprété comme une prémonition, votre père, qui était prothésiste dentaire, vous a parlé de l’éventualité de mener une autre vie. Qu’est-ce que ce récit a représenté pour vous ?

Bon, ce n’est pas tellement dans le film, parce que c’est venu plus tard. Mais j’ai demandé à mon père de m’aider après sa mort. Je fréquentais beaucoup le cimetière, j’étais assez addict à cette place, la tombe, c’était même trop. J’y allais souvent, j’y allais la nuit. Assez naïvement, je lui disais : « Maintenant, tu sais tout. » Je lui lançais un défi, qu’il m’aide malgré l’homosexualité. J’ai passé mon enfance à me dire qu’on n’était pas assez bien pour mon père. Il écrivait des chansons pour un copain à lui chanteur dans les cabarets, et ça me suffisait à lui fantasmer une vocation de poète raté – peut-être aussi parce que c’était lui qui était garant des quelques livres qu’on avait à la maison. Cette conversation dans la voiture, juste avant la sortie de route, je m’en suis toujours souvenu. Qu’à un moment il ait pu me dire que cette vie ce n’est pas celle qu’il aurait aimée, ou en tout cas que j’aie pu penser qu’il baissait les armes, c’est quelque chose qui m’a donné l’énergie de me dire que je ne me résignerai pas à une vie qui ne conviendrait pas à mes désirs. Je pense que ça m’a peut-être donné un peu d’avance sur mes copains et mes copines de lycée. J’étais armé de cette certitude. Je refusais que mon homosexualité me pose un problème, je refusais que de ne pas envisager d’études me pose un problème. Et puis, le souci après, c’est que ça n’arrive pas. Tu as beau lire, écrire, voir des films, tu comprends qu’il va falloir aller au champ de bataille. Et que donc il faut aller à Paris. Ça m’a pris du temps, d’arriver à Paris, j’avais 24 ans. J’aurais adoré y passer quatre jours, comme le fait Lucas après la mort de son père. Je me serais mis encore plus en péril que lui, je pense. Mais cette respiration-là, elle est romanesque.

Dans le film, Lucas semble très intéressé par les dessins homoérotiques de Lilio, le coloc de son frère – en fait réalisés par l’artiste Thiên-Ngoc Ngô-Rioufol. Vous, quelles images ont formé votre imaginaire gay à cet âge-là ?

Elles n’existaient pas. Mes premières projections, ce sont les photos de mannequins en sous-vêtements dans les catalogues 3 Suisses. J’étais censé regarder les jouets, mais je remontais vers cette partie du catalogue… Après, en tant que jeune cinéphile, oui, à un moment, cette focalisation sur Jacques Demy, c’était parce que je voyais qu’il filmait les hommes différemment des autres. Je me souviens aussi d’avoir vu Les Damnés de Luchino Visconti [1970, ndlr] chez mes grands-parents. Ils étaient effarés par ce qui était mis en scène, en pensant plus à la violence, et moi je trouvais ça insensé d’être aussi ému sensuellement par le film. Ce sont des images qu’à l’époque je n’aurais pas pu énoncer, car je ne connaissais personne qui était homosexuel. C’est pour ça que, quand je suis arrivé dans ce lycée à Saint-Brieuc, à soixante kilomètres de ma famille, je ne sais pas comment c’est venu, de savoir que dans ce parc d’une petite ville il allait se passer quelque chose, de savoir qu’avec tel garçon au lycée il y avait une possibilité de rapprochement. Ce qui différencie ce moment de notre époque, c’est qu’il n’y avait pas de noms. C’est étrange comment on construit une sensualité sans références. Je vois aujourd’hui ma fille qui a des copains déjà affirmés, qu’elle désigne comme ses copains pédés – enfin, elle dirait « Papa, tu peux pas dire pédé », mais si j’ai un peu le droit, moi, de le dire.

« L’eden, ce n’est pas l’enfance, c’est l’adolescence »

Vous avez souvent collaboré avec l’écrivain queercore Dennis Cooper –en le faisant jouer dans Homme au bain (2010), en produisant son film co-réalisé avec Zac Farley, Little Cattle Towards Glow (2016). Sur un versant plus trash et tourmenté, lui aussi parle beaucoup d’adolescence. Qu’est-ce qui vous relie ?

On est très différents avec Dennis. En tout cas, c’est sûr que quand j’ai lu Closer [roman extrême et violent publié en 1989 dans lequel un ado américain devient l’objet des fantasmes de ses camarades, ndlr.], j’ai reconnu quelque chose. J’adorerais me confronter à ce livre-là au cinéma. Après, le problème, c’est que je pense que c’est impossible en dehors des Etats-Unis. Il faut avoir un rapport à Disney qu’on n’a pas en France. Parce que les romans de Dennis, ce sont des Disney déchirés. Il faut qu’il y ait cette surface idéale, parfaite, pour que survienne une ordure au cœur de ce monde-là. On a en commun cette idée que l’eden, ce n’est pas l’enfance, c’est l’adolescence. J’ai l’impression que je suis moins obsessionnel que lui, parce que le cinéma le permet moins. Les films, il faut toujours les arracher à des interdictions, qu’elles soient économiques, de l’ordre de l’organisation d’un tournage, du choix des acteurs, de la pression des distributeurs…

Chaque film est une manière de rendre les coups qu’on vous donne. Votre ennemi en tant qu’écrivain, c’est vous-même. Au cinéma aussi, mais le rapport au temps est différent. C’est pour ça que je suis un cinéaste très impatient. Je ne supporte pas le délai. Tous mes films, j’ai préféré les faire avec moins d’argent, pour les réaliser au moment où il fallait. J’ai l’intuition qu’il faut être au présent dans la manière de faire des films et dans celle de les sortir. Réaliser un film tous les trois-quatre ans, ce n’est pas un choix pour beaucoup de cinéastes…J’aimerais bien une machine un peu insensée qui permettrait de fabriquer un cinéma permanent.

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« Pour moi, l’adolescence, c’est le moment de s’affirmer seul, de s’admettre seul au monde. »

Lucas affirme sa jeunesse très fort, et ça passe par son apprentissage du désir, l’expression de sa sexualité. C’était important que le film ait cet élan vitaliste ?

En 1985-1986, cet élan était très contrarié par un bloc menaçant, le sida. Ce sujet, ce n’était pas un enjeu pour moi dans ce film. Donc j’ai essayé de donner au personnage une fougue plus contemporaine – ce qui ne veut pas dire que c’est partagé par tous les jeunes homosexuels. En tout cas, je ne voulais pas que ce soit un sujet de honte, je voulais qu’il soit assumé et assuré. Il y a beaucoup de récits d’adolescence où l’homosexualité devient un enjeu de dramaturgie, d’oppositions, de conflits. Moi, dans mes films, au contraire j’ai essayé d’être plus attentif à la manière dont s’exprime cette sensualité à cet âge-là. La sensualité du personnage, ça le sauve, ça le définit beaucoup. Ça entraîne des enjeux en tant que cinéaste, sur le regard qui est porté à ce moment-là sur l’acteur. Pour moi, c’était important d’être dans une grande confiance avec les jeunes acteurs, Paul Kircher et Adrien Casse [qui joue l’amant de Lucas à Chambéry, ndlr]. Il ne fallait pas que ce soient des enjeux périlleux pour eux. J’adore les teen movies américains. Tous les scénarios de ces films-là tournent autour du dépucelage. La rencontre sexuelle suffirait à donner le sésame pour le passage à l’âge adulte. C’est tellement con, comme idée ! Non, il faut montrer que, le problème, c’est la solitude. Pour moi, l’adolescence, c’est le moment de s’affirmer seul, de s’admettre seul au monde.

Comment avez-vous abouti à cette forme indisciplinée du Lycéen, qui a peut-être aussi à voir avec l’adolescence ?

Je ne voulais pas organiser le récit avec ma mémoire d’homme adulte, qui a forcément réinterrogé cette période. Quand Lucas raconte son histoire à la caméra, il essaye juste d’ordonner un peu les choses, il n’est pas en maîtrise de son récit. Pour moi, c’était essentiel que ce garçon ne sache pas raconter son histoire. L’immaturité, ce n’est pas qu’un évitement, c’est une espèce de survie. C’est une discipline d’essayer de conserver un caractère tremblant et inachevé. Je peux être tenté de faire des films avec une forme stable comme tout le monde, mais je vois bien que j’ai cette obstination à vouloir toujours chahuter.

Le Lycéen de Christophe Honoré, Memento (2 h 02), sortie le 30 novembre

Image principale : Christophe Honoré nous a confié cette photo de lui, prise l’été de ses 16 ans, avec son grand frère, Laurent, à l’arrière-plan et son petit frère, Julien, sur les genoux.