Pourquoi as-tu écrit ce livre ?
J’ai commencé petit rat jusqu’à devenir directrice de l’Opéra de Paris. J’ai eu envie de transmettre des astuces de danseuse, mais aussi de rappeler deux choses très importantes : on peut danser de mille façons et, lors de l’apprentissage, il faut garder la joie. Parfois c’est dur, des visages se ferment. Il faut régulièrement se demander pourquoi on danse et se rappeler ce qui nous rend heureux dans cette pratique.
Quelle a été ta plus grande joie professionnelle ?
Ma nomination de danseuse étoile. C’était à la fin de la représentation de Don Quichotte, et j’ai entendu le directeur de l’Opéra dire : « Je nomme ce soir Aurélie Dupont danseuse étoile ! » Cette annonce a duré quelques secondes, mais elle m’a procuré une joie intense, je m’en souviens comme si c’était hier.
Comment as-tu géré la compétition ?
À l’école de danse de l’Opéra de Paris, j’avais plein de copines, c’était tellement dur qu’on était obligées d’être solidaires ! Mais, ensuite, dans le corps de ballet de l’Opéra, lors des concours, les places sont chères : une ou deux personnes choisies parmi vingt-cinq, et trois minutes pour convaincre le jury. On n’a pas le temps ni l’envie de rigoler. C’était toujours bien, avant de passer un concours, d’entendre : « Allez merde, vas-y Aurélie ! » Mais ce n’était pas très courant. J’espère qu’aujourd’hui c’est différent. Je n’ai jamais eu envie d’écraser les autres. C’est moi que je challengeais, j’avais toujours envie de progresser.
Quelles sont les choses que tu aurais changées ?
En danse, on ne parle que des défauts : cuisses comme ci, bras trop comme ça, tu es trop souple ou pas assez… Il faudrait apprendre aux danseurs à identifier leurs qualités très tôt pour les mettre en avant. Cela aide à dissimuler ses points faibles sur scène. La danse, c’est de la magie. J’aurais aussi imposé l’apprentissage d’un instrument de musique et des cours de dramaturgie.
Finalement, c’est quoi, être danseuse ?
C’est raconter des histoires avec son corps ! Ce n’est pas juste enchaîner des pirouettes, des sauts de chat et des pas de bourrée. La technique est un support pour s’exprimer. On n’a pas droit aux mots, mais, dans la tête, il faut en avoir mille !
Portrait de couverture © Julien Liénard pour TROISCOULEURS