Shigeru Miyamoto est au jeu vidéo ce que furent Edwin S. Porter ou D.W. Griffith au cinéma, autrement dit un pionnier qui posa les bases sémantiques de ce nouveau média. C’est dire l’importance de sa saga star, Mario Bros., jeu de plate-forme fondateur dans lequel le personnage éponyme à moustache et salopette, souvent accompagné de son frère Luigi, affronte diverses créatures en évoluant dans des environnements remplis de piège. C’est dire, également, la responsabilité colossale qui incombe aux audacieux qui tentent de transposer cette saga au cinéma.
La première adaptation, en live, des aventures de la fratrie de plombiers, sortie en 1993, portait en elle toute la condescendance du cinéma de l’époque pour le jeu vidéo. Blockbuster branque et à la production chaotique, Super Mario Bros. embarquait Mario et Luigi dans une cité futuriste à la Blade Runner, pour sauver une jeune archéologue vaguement inspirée de la princesse Peach, qui se révélait être… une descendante des dinosaures ! Bob Hoskins, qui écopa du rôle titre, qualifia le film de « pire expérience de sa vie » et avoua que, pour oublier sa douleur, il se saoulait chaque soir du tournage en compagnie de John Leguizamo, qui jouait Luigi. Comme tout grand naufrage cinématographique, Super Mario Bros. a, au fil des ans, fédéré quelques fans qui assument leur plaisir déviant.
Trente ans après, le rapport du public et de l’industrie vis-à-vis du jeu vidéo a radicalement changé, tandis que Mario Bros. s’est imposé comme un hit transgénérationel. La compagnie Illumniation (Moi, moche et méchant) qui s’est attaquée à une nouvelle adaptation du jeu, en animation cette fois, l’a constaté à ses dépens. La première bande-annonce de Mario Bros., le film a en effet été reçue sous les huées des internautes. En cause ? La voix de Mario en version originale, interprétée par Chris Pratt, ne respecte pas le timbre aigu et l’accent italien du personnage original. Pourtant, l’équipe d’Illumination affiche une pleine déférence pour son modèle.
Conçu avec grand soin (le travail sur les matières en particulier est somptueux), le film s’applique à citer le maximum de classiques de la saga (du jeu de plateforme en 2D à la course arc-en-ciel de Mario Kart), tout en cherchant un chemin narratif logique dans cette nuée de références. On y raconte comme les deux plombiers newyorkais se retrouvent propulsés dans un monde parallèle menacé par la Némésis habituelle de Mario, Bowser. Aux côtés de la princesse Peach et des Toads, une adorable peuplade de champignons humanoïdes, ils vont tenter de s’adjoindre l’aide de Donkey Kong pour stopper Boswer.
Sans être imbitable ni déshonorant, Mario Bros. le film n’échappe pas à un certain effet catalogue, alternant sur un tempo frénétique les péripéties et les environnements. La générosité comme la volonté de bien faire sont indéniables, même si le film abandonne un peu ce qui faisait à nos yeux le génie de Miyamoto : sa capacité à révéler les trésors ludiques insoupçonnés d’univers à priori très restreints. Reste que le principal est là : faute d’avoir totalement remporté leur pari (impossible ?) Illumination prouve avec ce film l’importance et la valeur du classique de Miyamoto. Hier considéré comme un vivier à franchises, le jeu vidéo est aujourd’hui devenu un modèle auquel aspire le cinéma.
Super Mario Bros, le film, d’Aaron Horvath et Michael Jelenic, Universal Pictures, 1h32, sortie le 5 avril
Images (c) Nintendo and Universal Studios