Un premier film fascinant par le territoire qu’il montre et l’étrange espace-temps dans lequel il nous aspire.
C’est en 2009 que cette cinéaste franco-arménienne découvre le Haut-Karabakh, république autoproclamée après la dislocation du bloc soviétique et depuis terre de conflit – l’Arménie d’un côté, l’Azerbaïdjan de l’autre. De ce voyage, elle tire, dix ans plus tard, un premier long métrage, Si le vent tombe, film fascinant par le territoire qu’il montre et l’étrange espace-temps dans lequel il nous aspire.
Dans ce huis clos à ciel ouvert, no man’s land où les vies s’organisent, luttent pour l’indépendance, débarque Alain, Français missionné pour décider de l’ouverture d’un aéroport qui matérialise l’espoir pour les habitants d’une ouverture sur le monde. Grégoire Colin est ce messi mutique. Précieux et rare, fétiche du cinéma de (Beau travail, 35 Rhums…), l’acteur, immense de sobriété, donne à cet étranger toute sa densité mystérieuse – mystère est le maître mot d’un film qui avance par glissements, suggestions et jeux d’associations. D’Alain on ne sait trop rien, mais on reçoit sa solitude, sa tristesse aussi.
On s’invente son passé volontairement caché (pas de psychologisation dans ce film de pure présence), et quand il déambule sur la piste de décollage déserte et croise le regard d’un petit garçon les bras chargés d’une eau miraculeuse, c’est une reconnaissance que nous voyons.
Si le vent tombe est un film peuplé de fantômes (les humains comme les lieux sont des morceaux de souvenirs, de mémoire) qui, par le biais de sa trame géopolitique insensée (juridiquement, le Haut-Karabakh n’existe pas), tisse une passionnante réflexion sur le visible et l’invisible, la croyance comme impérieux appel de la fiction et donc du cinéma.
Si le vent tombe de Nora Martirosyan, Arizona (1 h 40), sortie le 26 mai
Image : (c) Rouge Distribution