« Mambar Pierrette » de Rosine Mfetgo Mbakam : délier la parole

[CRITIQUE] Il suffit parfois d’un seul plan pour renverser l’ordre d’un film. Dans « Mambar Pierrette », c’est le dernier, qui nous fait voir, selon un axe inédit, la boutique de Mambar ou Pierrette (selon les gens et les langues), couturière et héroïne prodigieuse de cette drôle de fiction documentée.


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C’est à une rencontre que nous invite Mambar Pierrette de Rosine Mbakam, cinéaste camerounaise installée en Belgique, à la filmographie déjà abondante, mais dont les films n’ont jamais été distribués en France (son documentaire de 2022, Les Prières de Delphine, sort en salles la même semaine). Une rencontre avec une personne et un personnage, dont le film, attentif, recueille minutieusement le quotidien et dévoile les liens qui le composent (ses enfants, sa mère et ses amies qui se rendent dans son magasin de couture comme on irait chez le psy).

Une rencontre aussi avec un film et un dispositif jouant de cette fameuse hybridité des genres établis (docu-fiction). De cet alliage courant, Mambar Pierrette cherche moins à extraire l’ambiguïté attendue qu’à admettre : ceci est vrai, mais c’est une fiction – comme un jeu de dévoilement pour les spectateurs, comme pour protéger son héroïne des malheurs qui adviennent. Les rejouer pour les exorciser ? Si Mambar Pierrette fait état de l’évidente précarité dans laquelle se trouve son personnage, qui bosse, mais peine à réunir l’argent nécessaire pour les fournitures scolaires de ses enfants, il devient aussi ce safe space d’une parole déliée, rendue possible par l’espace du film, maison protégée.

Mambar Pierrette de Rosine Mfetgo Mbakam, Singularis Films (1 h 33), sortie le 31 janvier