En 2013, Amat Escalante avait reçu deux distinctions à Cannes pour Heli : le prix de la meilleure mise en scène et celui, officieux, du meilleur « film choc » du festival – le film se campait face à l’insoutenable violence de son pays natal. Dix ans plus tard, le réalisateur mexicain, revenu à Cannes avec Lost in the Night (dans la sélection Cannes première), semble s’être un peu assagi. Moins frontal, moins ramassé, son cinquième long métrage est à l’image du petit village minier qui lui sert de décor : silencieux à la surface, mais toujours prêt à exploser. La mine divise les habitants, encouragés par une militante écologiste à la refuser. Elle finira « perdue dans la nuit ».
Trois ans plus tard, ses enfants ont pour seul espoir de retrouver son corps. Son fils suit sa trace jusqu’à la maison ultra moderne d’un couple bourgeois, une actrice et un artiste. Lost in the Night se lance alors dans une danse en perpétuel déséquilibre entre les pauvres et les riches, les ados qui découvrent la sexualité et ceux, déjà déshabillés de leur innocence, qui simulent des suicides sur TikTok. Amat Escalante court beaucoup de lièvres à la fois, parle de capitalisme colonial comme de l’amoralité de l’art qui se construit sur la souffrance des autres, mais retombe toujours sur ses pattes grâce à sa mise en scène et à son acteur principal, tous deux discrètement virtuoses.
Lost in the Night d’Amat Escalante, Paname (2 h), sortie le 4 octobre