La grâce de Los delincuentes doit beaucoup à cette dimension sauvage, serpentant au gré de pistes, d’imageries et de temporalités multiples sans qu’aucun élément ne fasse toc. D’emblée, Morán, employé de banque traînant son costume de quadra chauve sans histoires, peu convaincu par les bienfaits du travail et des pauses cigarette, décide de mettre les voiles en dérobant une somme d’argent qui correspond aux quelque vingt années de salaire le séparant de la retraite.
Avec, en prime, la même quantité de billets à Román, collègue consciencieux, irréprochable, mais soudain pris de vertiges quand le voleur, avant de se dénoncer pour purger trois ans et demi de prison, lui confie son secret et l’intégralité du magot…
Alors qu’il n’avait plus tourné depuis une décennie, l’Argentin Rodrigo Moreno nous revient avec une fiction ample et radieuse, déjouant les pièges du récit à suspense et du discours anticapitaliste bon teint pour brosser avec tendresse le portrait d’hommes médiocres, amoureux de la même femme – rencontrée après avoir planqué le pactole – et des mêmes espaces et fantasmes qui réchauffent l’esprit. Comme les reflets d’un film d’été qui s’étire sans fin, à cheval ou à pied, dans un bus ou dans l’eau, vers un horizon fabuleux.
Los delincuentes de Rodrigo Moreno, Arizona / JHR Films (3 h 10), sortie le 27 mars.