« La Vénus d’argent » d’Héléna Klotz : un monde sans femmes

[CRITIQUE] Plus de dix ans après son très beau premier long métrage de fiction, « L’Âge atomique », Héléna Klotz revient avec une œuvre puissante qui, d’une caserne de gendarmerie aux tours de la Défense, suit le parcours chaotique d’une « wannabe » trader déter. Et révèle au passage une grande actrice : la chanteuse Pomme.


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Casque vissé sur la tête, lancée sur le périph, Camille finit sa course en fracassant une vitrine des beaux quartiers pour y voler un costume, qui sera son passeport pour une nouvelle vie. À l’étroit en caserne avec son père, lieutenant de gendarmerie, elle assure le rôle de mère d’appoint pour ses très jeunes frère et sœur tout en cherchant un boulot dans le milieu viril, élitiste et violent du trading bancaire. C’est entre ces deux univers, aussi codifiés l’un que l’autre, que Camille va éprouver son ambition.

Sans jamais lâcher son personnage central, le film investit avec élégance et sophistication les sombres intrigues où banquiers, arnaqueurs et grandes fortunes se confondent dans des nuances de nuit d’une beauté froide et inquiétante. Au-delà de la mise en scène d’une précision inouïe, Héléna Klotz propose, avec l’appui de son interprète Claire Pommet (connue comme chanteuse sous le pseudo de Pomme), idéale révélation, une héroïne fluide et brillante, transfuge de classe post-moderne qui a déjà fait sienne l’obsolescence programmée des notions de genre et de sexualité.

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Cette Vénus d’argent du titre et dans laquelle Camille se projette, c’est la silhouette fendant l’air qui fait office de figure de proue des Rolls. C’est cet objet, à l’avant des berlines, qui symbolise la réussite des avant-gardistes, celles et ceux qui n’ont pas peur de devancer leur temps pour mieux maîtriser leur époque. Le film d’Héléna Klotz est de ceux-là.

La Vénus d’argent d’Héléna Klotz, Pyramide (1 h 35), sortie le 22 novembre