En 1973, le studio Walt Disney Pictures sort son cultissime Robin des bois. Mais la même année, le réalisateur René Laloux signe son premier long métrage animé : La Planète sauvage. Dès ses premières minutes, le conte tricolore prend ses distances avec l’animation de Disney et les récits qui y sont mis en scène.
Le film prend directement place dans une forêt effrayante et pleine d’épines, dans laquelle une femme semble s’enfuir avec son bébé – le drame est déjà perceptible… Se révèlent alors de gigantesques mains bleues. Finalement, ces mains baladeuses s’avèrent être celles d’enfants, et plus précisément d’enfants draags.
La Planète sauvage est une fable résolument écologique. Afin d’interroger notre rapport au vivant, le film réorganise la chaîne de pouvoir et d’ascendance. L’être humain est littéralement mis au niveau des insectes, grâce à un coup de crayon à la fois ludique et dystopique.
Si les draags semblent tolérer les êtres humains, il est très vite question de leur « déshomination », soit une extermination. René Laloux interroge ainsi cette facilité humaine à considérer les autres êtres vivants comme des choses. Dans ce conte, les humains sont mis en scène comme des jouets, interchangeables et jetables.
En plus de sa dimension écologique, le film s’empare du politique. Les draags possèdent en effet l’accès au savoir, via leurs moments de méditation. Et c’est cet accès à la connaissance qui permet à la résistance humaine de s’affranchir de sa condition. Le savoir n’est plus verticalement et solitairement obtenu, à l’image des draags qui prennent leur envol lors des séances individuelles de méditation. Il est acquis horizontalement et collectivement, au ras du sol, par une poignée d’humains curieux. La Planète sauvage de René Laloux, au travers de ses créatures fantasques et de ses dessins novateurs, résonne plus que jamais avec l’extinction de notre planète bleue.
La Planète sauvage (Tamasa Distribution, 1h12), ressortie le 1er mai 2024
Image : © Tamasa Distribution