« Green Border » d’Agnieszka Holland : filmer l’exode

[Critique] Prix spécial du jury à la Mostra de Venise, la nouvelle réalisation d’Agnieszka Holland (« L’ombre de Staline », 2020), décriée par l’extrême droite polonaise, offre un regard sans complaisance sur la crise migratoire européenne. Une œuvre puissante et méticuleuse.


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Au départ, le voyage de Bashir et de sa famille, Syriens fuyant la guerre, se déroule parfaitement bien. Tout est planifié par leur oncle résidant en Suède : après l’atterrissage à Minsk, ils traverseront la frontière polonaise en voiture, puis cap vers le nord. Mais la réalité est tout autre, et ils se retrouvent coincés dans une zone marécageuse entre la Biélorussie et la Pologne. Leur situation s’enlise quand les gardes frontaliers les renvoient constamment d’un pays à l’autre. D’une précision quasi documentaire, la cinéaste polonaise décortique cette situation épineuse.

D’abord en se focalisant sur les migrants, réduits au statut de pions dans des conflits diplomatiques qui leur ôte toute humanité ; puis sur les militaires, représentés par Jan, futur père de famille, patriote appliquant à la lettre les directions de sa hiérarchie ; et enfin sur les associations humanitaires, impuissantes face à ces évènements. Avec ce film fresque en noir en blanc, parfois didactique, mais toujours animé par un désir de vérité, la cinéaste livre de précieux éléments pour comprendre le paysage diplomatique contemporain avec un objectif noble : faire du cinéma une arme, d’instruction d’abord, d’insurrection ensuite.

Green Border d’Agnieszka Holland, Condor, 2 h 27, sortie le 7 février.