« Dos madres » de Víctor Iriarte : enfance volée

[CRITIQUE] L’inventif cinéaste espagnol Víctor Iriarte filme la quête d’une mère à la recherche de son fils, bébé volé à la naissance par le régime franquiste.


Depuis vingt ans, Vera (la géniale Lola Dueñas, vue notamment chez Pedro Almodóvar) tente sans relâche de retrouver Egoz, son fils, qui lui a été enlevé à la naissance. Il est l’un des quelque 300 000 « bébés volés » en Espagne, des années 1940 au début des années 1990, à l’initiative de la dictature de Francisco Franco.

Comme tant d’autres, le dossier de l’accouchement de Vera a disparu des archives nationales. Durant la première partie du film, la voix off de cette femme meurtrie accompagne le spectateur dans sa colère contre cette époque honteuse. Dans la deuxième partie, le temps des retrouvailles avec la mère adoptive (Ana Torrent, autre immense actrice espagnole) d’Egoz permet d’apaiser les douleurs initiales.

Le poids du passé n’empêche pas Víctor Iriarte de construire un récit sophistiqué et ingénieux, empruntant aux codes du thriller et du film noir tout en magnifiant les liens qui se tissent entre les personnages. Lors de l’astucieuse séquence d’introduction, par exemple, un index glisse sur les lignes de cartes routières, représentant à la fois la quête de Vera et le lien indéfectible entre une mère et son enfant. Plus tard, le cadre prend la forme d’une loupe pour mieux cerner l’émotion des personnages. La réussite de Dos madres tient à la compréhension de l’histoire hispanique par le cinéaste, une histoire qui s’écrit difficilement en l’absence de traces.

Dos madres de Víctor Iriarte, Shellac (1 h 49), sortie le 17 juillet

Image : © Shellac