« Destruction Babies & Becoming Father » de Tetsuya Mariko : le prix de la vengeance

« Destruction Babies » (2016) et « Becoming Father » (2018) révèlent en France le cinéaste japonais Tetsuya Mariko, ancien élève de Kiyoshi Kurosawa, qui s’impose par son outrance sanglante et sa réflexion incisive sur les intrications entre la masculinité et la violence.


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Né à Tokyo en 1981, le réalisateur Tetsuya Mariko s’est fait remarquer de festival en festival avec ses courts et son long métrage Yellow Kid (2009), dans lequel il revisitait le film de boxe, avant d’être consacré par le Prix du meilleur réalisateur émergent à Locarno pour Destruction Babies en 2016. Dans ce long, qui ressemble à une version contemporaine et japonaise d’Orange mécanique, le cinéaste s’interroge sur notre relation à la représentation de la violence en jouant avec brio sur notre épuisement et sur nos nerfs. Il suit Taira et Shota, deux frères orphelins de Mitsuhama, au Japon. Taira, l’aîné au regard fou, aborde n’importe qui dans la rue, et provoque des bastons sans raison. Souvent il est mis à terre, mais toujours il se relève et revient chercher les coups, jusqu’à ce que couvert de sang il n’en puisse plus.

Taira avance comme un tourbillon qui détruit tout sur son passage, comme une version hyperréaliste des kaijū eiga, ces films où des monstres (Godzilla 
ou, plus proche de nous, le Merde imaginé par Leos Carax dans Tokyo!) dévas­tent des villes entières. Shota, son frère, à ses trousses, incarne notre regard impuissant et fasciné devant cet agent du chaos, face à cette répétition incessante et nauséeuse du même spectacle de la brutalité et de la destruction. Aucune clé psychologique ne nous sera donnée pour en élucider l’origine, à peine quelques pistes sont lancées – notamment la construction de la masculinité dans un environnement rural au Japon. Un questionnement qui est aussi au cœur de Becoming Father (2018), le très over the top dernier long de Mariko, adapté du manga Miyamoto Kara Kimi de Hideki Harai, publié entre 1990 et 1994. Ici, Mariko s’empare du rape and revenge movie.

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Jeune employé d’une entreprise de papeterie, le très inhibé Miyamoto tombe amoureux de la mystérieuse Yasuko, qui n’en a pas grand-chose à faire de lui mais l’utilise pour se débarrasser d’un autre. Après une soirée, Yasuko est victime d’un viol. Présent dans la pièce à ce moment-là, Miyamoto n’est pas intervenu pour l’aider : il s’est endormi, ivre… Dès lors, la jeune femme est autant en colère contre lui qu’elle le méprise. Mais, bille en tête, Miyamoto va s’évertuer à vouloir la venger. Tetsuya Mariko démonte sa fierté et sa vanité qui soudain le décoincent, en faisant le portrait d’une vendetta absolument affligeante. Son héroïsme prétendu est tourné en ridicule par une mise en scène gory, dans laquelle ses yeux paraissent révulsés comme dans le plus fantasque des mangas, où ses cris hystéros paraissent tout droit sortis des meilleurs cartoons sadiques. Le cinéaste moque alors son code de l’honneur viril en le faisant passer par les cascades les plus no limit, comme pour montrer en même temps leur inanité. Et, pendant ce temps-là, Yasuko assiste à tout ça, consternée.

Destruction Babies & Becoming Father de Tetsuya Mariko, Capricci Films (1 h 58 ; 2 h 09), sortie le 27 juillet

Images (c) Capricci Films