CANNES 2024 · « À son image » de Thierry de Peretti : Instantané corse

[CRITIQUE] Avec ce film sélectionné à la Quinzaine des Cinéastes, Thierry de Peretti revient en Corse pour tirer le portrait d’une jeune photographe, Antonia, et du mouvement nationaliste qu’elle a fréquenté. Le cinéaste signe un film précis et soigné, qui parvient à émouvoir par le biais d’une distance tragique avec les événements.


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Antonia, une photographe corse, meurt d’un accident de la route. Ses funérailles sont l’occasion, pour l’un de ses proches, de raconter le parcours romanesque de la jeune femme, qui a vécu avec des membres du FLNC dans les années 1980 et 1990, au moment où l’île traverse de nombreux tumultes politiques… Après son grand film d’investigation paranoïaque, Enquête sur un scandale d’État, Thierry de Peretti revient à une forme un peu plus modeste en adaptant un roman de Jérôme Ferrari.

Épousant le parcours d’une jeune photographe de presse tombée amoureuse d’un militant nationaliste radical qui multiplie les passages en prison, le cinéaste livre une suite spirituelle d’Une vie violente, qui était quant à lui ancré à l’intérieur même du mouvement insulaire. À son image se présente ainsi comme la synthèse des deux derniers films de de Peretti, en retraçant cette fois l’histoire brûlante de l’île de Beauté par l’entremise d’une vue en coupe, dans une distance relative avec la lutte, montrée au travers d’images d’archives ou de scènes de règlements de compte troublantes, voire opaques.

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Cette perspective épouse à son meilleur le style du cinéaste et son sens aigu du cadrage, avec des plans longs et larges qui figurent parfaitement la vie d’une communauté en vase-clos et présentent chaque événement comme s’il était toujours placé sous haute surveillance. C’est ce qui alimente la tension qui traverse ce film à la fois doux et électrisant, hanté par la colère d’une jeunesse révoltée contre ce qu’elle considère comme un état colonial visant à les monter les uns contre les autres.

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Amer et tragique, À son image fait alors de son prisme photographique un moteur mortifère qui résonne avec la fatalité d’une situation sans solution à l’horizon. Comme lorsque la voix-off intervient en retard pour clarifier les drames que de Peretti filme à distance, les clichés que prend Antonia ont tendance à sonner le glas des sujets qu’elle photographie : au moment d’appuyer sur la détente (de l’appareil ou de l’arme de poing) et de raconter l’histoire des jeunes individus pris dans le tourment de la lutte, il est déjà trop tard. 

A son image de Thierry de Peretti (Pyramide Films, 1h50), sortie le 4 septembre

Le Festival de Cannes se tiendra cette année du 14 au 25 mai 2024.

Image : © Elise Pinelli