À l’ancien détenu du roman, le cinéaste a substitué un Guinéen en exil, Francis, débarqué à Berlin en espérant y trouver une vie décente. Il possède une volonté de fer et, pourtant, il ne rencontrera sur place que damnation, tombant sous l’emprise d’un trafiquant machiavélique. Trois heures d’apnée jusqu’au fond d’un abîme de noirceur lyrique : voilà le programme de Berlin Alexanderplatz, œuvre monstre qui voit ses personnages dévorés par la ville.
Bien qu’il aborde un thème de société, Burhan Qurbani se détache d’emblée de tout réalisme – nous sommes dans un conte, d’ailleurs narré par une voix éthérée. Le cadre est en constante apesanteur, irradié des néons d’un Berlin interlope comme vidé de son souffle, hanté par des meutes de charognards.
Aucune psychologisation chez le cinéaste qui fait confiance à la force d’incarnation de personnages qui, en opposition à la réserve inquiète de Francis, ont tous la flamboyance des héros tragiques. Leurs expressions grimaçantes, couplées à la dimension hallucinatoire du film, semblent ainsi faire office de projection mentale – ou comment figurer, littéralement, la descente aux enfers d’un jeune migrant.
Image : Copyright Wolfgang Ennenbach_Sommerhaus Filmproduktion