50 ans des César : 5 cérémonies qui ont marqué les esprits

Rendez-vous cinéphile annuel et cathodique, les César fêtent cette année leurs 50 ans. Cette cérémonie, qui récompense les films français sortis l’année passée et dont l’édition 2025 aura lieu cette année le soir du 28 février, est aussi l’occasion d’un état des lieux du cinéma hexagonal, autant qu’une plateforme permettant d’ouvrir des discussions politiques – on se souvient de la lettre très émouvante lue par Judith Godrèche l’année dernière. Pour cet anniversaire, on a choisi de revenir, par décennies, sur cinq cérémonies mémorables.


Isabelle Adjani aux César de 1982 © Collection Christophel
Isabelle Adjani aux César de 1982 © Collection Christophel

1ère cérémonie des César (1976) : le rideau s’ouvre

On doit la paternité des César à Georges Cravenne, un producteur de cinéma dont l’obsession était de concurrencer les Oscars, nés en 1929. En 1976, au Palais des Congrès de Paris, c’est lui qui souffle de soulagement en coulisses, alors que la toute première cérémonie présidée par Jean Gabin – dont c’est la dernière apparition – se termine en beauté.

Il s’agit d’un temps que les moins de 40 ans ne peuvent pas connaître, mais quelques noms restés célèbres y brillèrent : Bertrand Tavernier remporta le trophée du Meilleur réalisateur pour Que la fête commence… ; Philippe Noiret celui du Meilleur acteur pour son rôle dans Le Vieux Fusil de Robert Enrico ; Romy Schneider celui de la Meilleure actrice pour le sublime et culte L’Important c’est d’aimer d’Andrzej Żuławski.

Sans oublier un pur moment de malaise télévisuel, lorsqu’Isabelle Adjani, nommée pour L’Histoire d’Adèle H., se leva avant même le verdict, persuadée de l’emporter face à Romy Schneider. Sans rancune : l’actrice remportera la mise en 1982 pour Possession, réalisé par…Żuławski.

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6ᵉ cérémonie des César (1981) : l’année d’un record

Quel est le lien entre Le Dernier métro et Le Comte de Monte-Cristo ? Pour l’instant, aucun. Mais si le blockbuster frenchy de Matthieu Delaporte et Alexandre de La Patellière remporte ce vendredi plus de dix statuettes (il est cité quatorze fois), il pourrait égaler voire battre le drame historique de François Truffaut, détenteur à ce jour du record de Césars (10) récoltés pour un film. En 1981, le succès critique du Dernier métro contribue à imposer le cinéma d’auteur français et inaugure la longue série de récompenses reçues par Catherine Deneuve, sacrée Meilleure actrice, dans sa carrière. À ce jour, seul Cyrano de Bergerac de Jean-Paul Rappeneau a égalé cet exploit en 1981, avec dix trophées. Les César : un sommet de suspens digne d’une course hippique.

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14 cérémonie des César (1989) : le discours engagé d’Isabelle Adjani

Après avoir remercié son père, sa mère et son producteur, il reste toujours quelques secondes aux artistes avant le gong pour parler politique. En 1989, Isabelle Adjani remporte le troisième César de sa carrière pour Camille Claudel et en profite pour livrer une tribune engagée qui laisse l’audience sidérée.

À cette époque, Les Versets sataniques de Salman Rushdie sont tombés sous le coup de la Fatwa, car jugés comme blasphématoires envers le prophète de l’islam, Mahomet. L’auteur anglais d’origine indienne est menacé de mort, et vit sous la protection des autorités britanniques. 

« J’ai un tout petit peur de jurer avec le ton de la soirée, c’est-à-dire que j’ai plutôt envie de vous dire des choses tragiques. J’espère que vous m’excuserez », avait amorcé l’actrice avant de lire un extrait puissant des Versets, apportant son soutien indéfectible à l’auteur et à la liberté d’expression. Le moment est devenu culte. En 2016, l’actrice a réitéré son soutien à l’écrivain, toujours sous le joug d’une fatwa.

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25 cérémonie des César (2000) : un puissant appel à l’inclusivité

Si on se souvient encore de l’intervention nécessaire d’Aïssa Maïga lors des César de 2020, les débats sur l’inclusivité dans le cinéma français ne datent pas d’hier. En 2000, le comédien et réalisateur guadeloupéen Luc Saint-Éloy (vu principalement chez le cinéaste Christian Lara) et l’écrivaine franco-camerounaise Calixthe Beyala (Les Honneurs perdus, grand prix du roman de l’Académie française en 1996) cherchaient déjà à briser ce plafond de verre.

Devant une salle surprise et attentive, tous deux se sont invités sur scène dans un happening, pour dénoncer la sous-représentation des minorités dans le cinéma français, dans une lettre puissante adressée à « la grande famille du cinéma ».  Extrait :

« Imaginez-vous dans ce pays des écrans publicitaires, à la télévision, au cinéma, sur les murs de toutes les grandes villes qui vanteraient des produits de consommation, par des Noirs, pour manger, pour boire, pour se laver, pour se distraire, pour se vêtir, pour dormir et éduquer vos enfants… Bref, pour vivre. Pour vivre simplement chaque instant, chaque jour, chaque semaine, chaque année. Et cela depuis la naissance de la radio, de la télé et du cinéma. Et vous chers compatriotes. Imaginez-vous que vous soyez absents, invisibles. Imaginez seulement… Mais rassurez-vous. Ce rôle d’absent, c’est nous qui l’interprétons. Mais ce n’est pas une fiction. »

45ème cérémonie des César (2020) : l’ouragan Adèle Haenel

Cinq ans plus tard, les images du départ d’Adèle Haenel (accompagnée de la réalisatrice Céline Sciamma, alors qu’elles venaient défendre Portrait de la jeune fille en feu) sont encore dans toutes les mémoires. « La honte ! », avait alors lancé l’actrice, partie en trombe, alors que Roman Polanski, accusé de viols et d’agressions sexuelles par une dizaine de femmes, et absent lors de la cérémonie, venait d’être sacré meilleur réalisateur pour son film J’accuse.

Le lendemain, la tribune de Virginie Despentes, publiée dans Libé et intitulée « Désormais, on se lève et on se casse », soulignait la force révolutionnaire de ce moment, dans le sillage du mouvement MeToo. Depuis, l’actrice, qui avait porté plainte contre le cinéaste Christophe Ruggia pour agressions sexuelles (le réalisateur a été reconnu coupable le 3 février dernier, et a fait appel suite à ce verdict), s’est retirée du cinéma, mais continue à faire du théâtre.

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