La romancière Virginie Despentes a partagé son indignation dans les colonnes de Libération, après que l’Académie des César a sacré Roman Polanski meilleur réalisateur, lors de la cérémonie de vendredi soir.
L’image est devenue emblématique de la soirée de vendredi : Adèle Haenel quittant la salle Pleyel, de dos, le bras levé, lançant « La Honte! », à l’annonce du César du meilleur réalisateur, remis à Roman Polanski pour J’accuse (également lauréat de la meilleure adaptation). Elle est suivie de près par Céline Sciamma et Noémie Merlant, venues pour représenter Portrait de la jeune fille en feu.
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Un coup de gueule qui a provoqué un salve de réactions, dont celle de Virginie Despentes donc, ce dimanche 1er mars. Dans ce texte publié par Libération, elle expose les rapports de pouvoir et de domination qu’elle trouve contenus dans ce geste symbolique, celui de récompenser Roman Polanski, accusé de viol par plusieurs femmes dont la photographe Valentine Monnier – ce que le réalisateur conteste .
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Dans cette tribune, Virginie Despentes déroule, point par point, les mécanismes qui ont conduit d’après elle à cette situation d’impunité, évoquant en préambule « une démonstration de force »:
« La loi vous couvre, les tribunaux sont votre domaine, les médias vous appartiennent. Et c’est exactement à cela que ça sert, la puissance de vos grosses fortunes : avoir le contrôle des corps déclarés subalternes. Les corps qui se taisent, qui ne racontent pas l’histoire de leur point de vue. »
« Vous savez très bien ce que vous faites quand vous défendez Polanski »
Pour Virginie Despentes, récompenser Polanski ne relève ni du déni, ni de l’aveuglement, mais bien d’un geste entièrement conscient et assumé, qui vise à faire passer un message dissuasif aux victimes:
« Vous savez très bien ce que vous faites quand vous défendez Polanski : vous exigez qu’on vous admire jusque dans votre délinquance. C’est cette exigence qui fait que lors de la cérémonie tous les corps sont soumis à une même loi du silence ».
« On se casse »
Tout en saluant le courage de Florence Foresti, qui a quitté la cérémonie sans livrer le traditionnel discours de clôture avant de publier sur son compte Instagram le mot « Écoeurée », Virgine Despentes regrette le silence et la passivité du reste de l’assemblée: « Elle le fait en tant qu’individu qui n’est pas entièrement assujetti à l’industrie cinématographique, parce qu’elle sait que votre pouvoir n’ira pas jusqu’à vider ses salles ».
Un constat désabusé que la romancière nuance par une conclusion combative et volontaire, célébrant le geste d’Adèle Haenel refusant de subir l’humiliation dans un élan spontané : « Ton corps, tes yeux, ton dos, ta voix, tes gestes tout disait : oui on est les connasses, on est les humiliées, oui on n’a qu’à fermer nos gueules et manger vos coups, vous êtes les boss, vous avez le pouvoir et l’arrogance qui va avec mais on ne restera pas assis sans rien dire. Vous n’aurez pas notre respect. On se casse ».
La tribune est à lire en intégralité ici.
Image : Capture YouTube de l’émission « La Grande librairie »