« BACURAU » de Kleber Mendonça Filho et Juliano Dornelles, fable dystopique impressionnante

En Compétition, Kleber Mendonça Filho (Aquarius) livre, avec son coréalisateur Juliano Dornelles, une fable dystopique et sanglante sur l’arrière-pays brésilien. Un maelström de références, pour un résultat impressionnant. On l’annonçait comme un mélange entre le Délivrance  de John Boorman et le Sans retour  de Walter Hill : bien qu’ayant les yeux rivés vers le Nouvel Hollywood, Bacurau  emprunte peut-être plus encore


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En Compétition, Kleber Mendonça Filho (Aquarius) livre, avec son coréalisateur Juliano Dornelles, une fable dystopique et sanglante sur l’arrière-pays brésilien. Un maelström de références, pour un résultat impressionnant.

On l’annonçait comme un mélange entre le Délivrance  de John Boorman et le Sans retour  de Walter Hill : bien qu’ayant les yeux rivés vers le Nouvel Hollywood, Bacurau  emprunte peut-être plus encore sa lignée au western originel, genre immémoriel (donc forcément mythique) apparu en même temps que les prémices du cinéma. Pas un seul élément ne manque à la liste des archétypes qui a fait le succès du genre : tenancières de bistrot narquoise, gringo  à banjo menaçant, têtes scalpées virilement brandies, fûts de liquide percé par balles…

Les codes servent ici à dépeindre Bacurau, un village fictif et isolé au cœur du sertão – région semi-aride et pas vraiment bien lotie du Nord-Est brésilien – qui fait face à la mort de son emblématique matriarche de 94 ans. Des événements inquiétants se succèdent alors, à commencer par la mystérieuse disparition du petit village de la carte. Le wifi ne tarde pas lui aussi à s’évaporer, les cadavres criblés de balles se mettent à joncher le territoire, et le film mène progressivement à l’affrontement entre une communauté d’irréductibles locaux résistants et un groupe d’envahisseurs majoritairement américains, qui manient aussi bien le drone que le sniper. Un curieux alignement des étoiles thématiques et esthétiques : entre l’hommage rendu à John Carpenter par la Quinzaine ce mercredi, et le retranchement final qui conclut Les Misérables de Ladj Ly, la Croisette a donc été conquise par l’assaut, leitmotiv d’un festival qui fait en plus sa part belle aux zombies…

L’ombre portée de la présidence Bolsonaro plane évidemment sur cette trame apocalyptique, mais elle ne constitue qu’un fil à tirer parmi des dizaines d’autres, plus ou moins subtilement exposés : les livres bons pour la benne à ordures, les ravages du complexe pharmaceutique, la corruption endémique du personnel politique (déjà ébauchée en la personne du promoteur bien propret d’Aquarius ), la pénurie d’eau, la libéralisation du port d’armes, le cataclysme écologique… Un ensemble composite qui surgit dans quelques plans sanguinolents (les fans du Maniac  de William Lustig apprécieront l’explosion full frontal  d’un crâne humain) qui n’ont pas toujours les honneurs de la Compétition : pour une fois, la violence n’est pas reléguée à un horaire tardif, et c’est fort réjouissant. 

Bacurau de Kleber Mendonça Filho, SBS Distribution (2h12). Sortie le 25 septembre

Photo d’ouverture: Copyright SBS Distribution