Cannes 2020, nos pronostics pour la sélection officielle : Wes Anderson, Quentin Dupieux, Sofia Coppola…

Quels seront les films soumis au Jury, présidé par Spike Lee, de cette 73e édition ? À deux mois de l’ouverture du Festival de Cannes – dont on ne sait pour le moment pas s’il sera annulé ou repoussé en raison de l’épidémie du coronavirus -, quelques noms émergent déjà, et certains films semblent bien engagés pour concourir. Voici


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Quels seront les films soumis au Jury, présidé par Spike Lee, de cette 73e édition ? À deux mois de l’ouverture du Festival de Cannes – dont on ne sait pour le moment pas s’il sera annulé ou repoussé en raison de l’épidémie du coronavirus -, quelques noms émergent déjà, et certains films semblent bien engagés pour concourir. Voici nos pronostics.

Cinéma français : le retour des habitués 

Qui sera de retour cette année sur la Croisette pour un nouveau round ? Certains chouchous du Festival de Cannes semblent d’emblée qualifiés, après avoir déjà foulé les marches du tapis rouges à plusieurs reprises. Parmi eux, Bruno Dumont, détenteur d’un petit record dans l’histoire cannoise (deux Grand Prix, pour L’Humanité en 1999 et pour Flandres en 2006), et lauréat en 2019 d’une mention spéciale à Un certain Regard pour Jeanne. Avec Par ce demi-clair matin (sortie prévue en 2020) – une comédie dramatique sur une journaliste de télévision en pleine crise existentielle -, le réalisateur peut largement espérer figurer en compétition officielle. Son gros atout : un casting de luxe (Léa Seydoux et Blanche Gardin) auquel Bruno Dumont ne nous a pas habitués – citons l’exception Ma Loute, porté par les grinçants Juliette Binoche et Fabrice Luchini -, lui qui aime tant filmer les visages – ou plutôt les gueules – d’acteurs inconnus ou amateurs.

Autre habitué : Quentin Dupieux, révélé à la Semaine de la critique avec Rubber en 2010, et applaudi l’an dernier pour Le Daimsélectionné à la Quinzaine. Sa nouvelle comédie Mandibules (sortie le 20 mai 2020) racontera l’histoire de deux potes un peu simplets qui trouvent une mouche dans le coffre de leur voiture et décident de la domestiquer pour se faire de l’argent. Le comité de sélection a de fortes chances d’être séduit par ce pitch loufoque, surtout qu’il réunira le gratin du cinéma français (Grégoire Ludig, David Marsais, Adèle Exarchopoulos, India Hair, Anaïs Demoustier et Roméo Elvis).

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Paul Verhoeven, Leos Carax: deux retours très attendus

Dix ans après son Grand prix du Jury pour Des hommes et des Dieux, Xavier Beauvois pourrait lui aussi être en lice avec Un petit fils (sortie le 1er septembre 2020), drame social sur un commandant de la bridage de la gendarmerie de l’Étrat (Jérémie Renier) qui voit sa vie basculer le jour où, voulant sauver un agriculteur qui menace de se suicider, il le tue. Une plongée ultra-réaliste dans la misère sociale et les arcanes de la police qui étaient déjà au cœur du Petit Lieutenant (2005). On mise aussi sur le retour de Maïwenn, dont le dernier film ADN avec Fanny Ardant et Louis Garrel (en mère et fils ?) promet d’après son titre d’être une saga familiale -l’autobiographique Pardonnez-moi (2006) disséquait déjà les meurtrissures de l’enfance. Fera-t-elle mieux que son prix du Jury pour Polisse en 2011 ? Les paris sont ouverts.

Reparti en  2008 avec la Palme d’or – décernée à l’unanimité par le jury de Sean Penn- pour Entre les murs, documentaire éprouvant sur une classe de quatrième d’un collège parisien réputée difficile, et revenu en 2017 pour présenter L’Atelier à Un certain regard, Laurent Cantet se frayera peut-être une place sur la croisette avec Arthur Rambo (date de sortie inconnue). On y suivra la chute d’un jeune écrivain (Rabah Naït Oufella, aperçu dans Grave) adulé des médias, rattrapé un jour par de vieux tweets haineux… Un pitch qui rappelle clairement la polémique de 2018 autour des tweets de Mehdi Meklat, et qui renoue avec le thème fétiche de Cantet : les fractures sociales.

On prédisait déjà sa présence l’an dernier, avant d’apprendre que Paul Verhoeven, opéré de la hanche, n’aurait pas fini la post-production à temps. Son sulfureux Benedetta (sortie le 1er mai 2020) pourrait enfin être là, et s’imposer comme la petite bombe du Festival. Virginie Efira y interprète une nonne lesbienne bannie de l’Eglise dans la Toscane du XVe siècle, aux côtés de Lambert Wilson et Charlotte Rampling. De quoi enfin rendre grâce à Paul Verhoeven, passé à deux doigts de remporter la Palme d’or en 2016 pour Elle.

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Autre aspirant sérieux : François Ozon (éternel absent des palmarès cannois, malgré trois nominations en compétition officielle pour Swimming PoolJeune et Jolie et L’Amant double) pour son Eté 85l’histoire d’un ado de 16 ans (Félix Lefebvre) qui se révèle à lui-même lors de vacances dans une station-balnéaire normande. Parions aussi que Mia Hansen-Love se qualifiera avec Bergman Island (sortie le 3 juin 2020), film méta situé sur l’île suédoise de Fårö. Si la réalisatrice a souvent brillé dans les sections parallèles (la Quinzaine pour Tout est pardonné en 2007, Un certain regard pour Le père de mes enfants en 2009), et s’est distinguée à la Berlinale (Ours d’argent pour L’Avenir en 2016), elle n’a jamais concourue en sélection officielle.

N’oublions pas Leos Carax, dont la comédie musicale Annette, avec Marion Cotillard et Adam Driver, pourrait faire chavirer la Croisette en chansons (les géniaux Sparks en ont signé la BO). A Cannes, le cinéaste a déjà décroché deux Prix de la jeunesse (un prix qui n’est plus décerné depuis 2013) pour Boys Meets Girl en 1984 et Holy Motors en 2012. On aimerait aussi voir Nicole Garcia fouler le tapis rouge pour Lisa Redler, histoire d’amour contrariée entre Pierre Niney et Stacey Martin, quatre ans après son mystérieux Mal de Pierres.

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Ceux que l’on espère secrètement voir dans la course

Beaucoup d’autres candidats potentiels pourraient faire partie de la fête, parmi lesquels Mathieu Amalric (on se souvient de son mémorable Prix de la mise en scène pour Tournée en 2010) pour Serre-moi fort, inspiré de la pièce de théâtre Je reviens de loin de Claudine Galea, sur une femme, jouée par Vicky Krieps, qui quitte tout. On pourrait aussi retrouver Antonin Peretjatko et sa Pièce rapportée – le cinéaste a été découvert à la Quinzaine des Réalisateurs avec La Fille du 14 juillet en 2013 -, qui racontera l’histoire d’un certain Paul Château Têtard (Philippe Katerine), qui tombe amoureux d’une jeune guichetière du métro (Anaïs Demoustier). La mère de cette dernière (Joasine Balasko), qui voit cette histoire d’un mauvais œil, veut empêcher l’union.

A côté de ces piliers incontournables, le Festival nous a aussi habitués à sélectionner quelques outsiders. Cette année, on espère retrouver le premier long-métrage de l’irrésistible Nicolas Maury. Il s’agit de Garçon chiffon (sortie le 19 août 2020) dans lequel il interprétera lui-même un jaloux maladif en pleins déboires sentimentaux. Peut-être aussi Bertrand Mandico et son Paradis SaleLauteur de l’inoubliable Les Garçons sauvages inventera une planète chimérique dans ce qui pourrait être une utopie queer et ludique.

Des concurrents sérieux côté international 

2020 sera peut-être l’édition où se côtoieront Wes Anderson et Apichatpong Weerasethakul – un duo d’enfer, aussi éclectique que sexy. Pour The French Dispatch d’Anderson (sortie le 26 août 2020), on mise sur une avant-première mondiale en ouverture, histoire d’entamer les festivités avec un feu d’artifice rétro-pop à la hauteur de Moonrise Kingdom, qui avait inauguré la 65e édition. Palmé en 2010 pour Oncle Boonmee, superbe rêve moite dans la forêt thaïlandaise, Apichatpong Weerasethakul devrait lui aussi faire un come-back retentissant avec Memoria, son premier film tourné en anglais, avec Tilda Swinton et Jeanne Balibar comme héroïnes. On attend aussi de pied ferme Sofia Coppola, dont le nouveau film On the Rocks marquera ses retrouvailles avec Bill Murray, en playboy incorrigible tentant de renouer avec sa fille (Rashida Jones). Rappelons l’histoire mouvementée de la réalisatrice avec le Festival : huée lors de son controversé Marie-Antoinette (2006), elle remportera finalement la prix de la mise en scène pour Les Proies onze plus tard.

Après l’engouement suscité par Leto en 2018 comédie musicale exaltante sur la rébellion rock juste avant la chute de l’URSS, on espère voir le Russe Kirill Serebrennikov rejoindre la course avec Petrov’s Flu, qui retracera sous forme de déambulation alcoolisée une journée dans la vie d’un auteur de bandes dessinées. Rappelons qu’à l’époque, le cinéaste, assigné à résidence dans son pays, n’avait pas pu se rendre à Cannes, mais qu’il a été libéré sous contrôle judiciaire en avril 2019.

Le cinéaste israélien Nadav Lapid, révélé à la Semaine de la critique avec L’Institutrice en 2014 et Ours d’Or à la Berlinale pour Synonymes, est lui aussi un sérieux prétendant – son nouveau film Le Genou suivra l’errance d’un cinéaste habité de doutes dans le désert. Il faudra peut-être compter aussi avec Chloé Zhao, réalisatrice prometteuse aux commandes du prochain Marvel Eternels, récompensée à la Quinzaine pour The Rider, qui pourrait présenter Nomad Land, plongée au cœur de l’ouest américain avec Frances McDormand.

Edgar Wright et Denis Villeneuve pour clore la fête? 

Autres candidats en vue : Kiyoshi Kurosawa, cinéaste japonais lauréat du Prix Un certain regard pour Vers l’autre rive en 2015. Son nouveau film, Wife of a Spy, suivra le parcours d’un notable bouleversé par un voyage en Mandchourie. On aimerait aussi découvrir dans la sélection Peninsula de Sang-o Yeon (sortie le 12 août 2020) suite du film-catastrophe Un Dernier train pour Busan, histoire de convoquer les morts-vivants sur la Croisette – déjà à l’honneur l’an dernier avec Zombi Child de Bertrand Bonello et The Dead Don’t Die de Jim Jarmusch. Acclamé à Cannes mais reparti sans prix pour Valse avec Bachir, Ari Folman pourrait également se frayer une place avec Where is Anne Frank, qui mélangera animation et stop-motion pour raconter les sept derniers mois de la vie d’Anne Frank à travers le personnage imaginaire de Kitty, alter ego d’Anne dans son journal.

On verrait bien la réalisatrice franco-libanaise Danielle Arbid, une habituée de la Quinzaine, débarquer au festival pour présenter son nouveau film adapté du roman d’Annie Ernaux Passion simple, et la cinéaste italienne Emma Dante pour Le sorelle Macaluso, adaptée de sa propre pièce de théâtre jouée au Festival d’Avignon en 2014. Il reste de la place pour Une Histoire d’amour et de désir de Leila Bouzid, portrait d’Ahmed, jeune Français d’origine algérienne qui s’éveille à la sensualité au contact de la littérature arabe érotique.

Pour finir en beauté, pourquoi pas une avant-première de Last Night in Soho d’Edgar Wright – qui d’après les rumeurs parlerait de voyage dans le temps – et de Dune (sortie le 23 décembre 2020) le remake hyper séduisant de Denis Villeneuve avec entre autres Timothée Chalamet, Oscar Isaac et Javier Bardem?  Réponse le 16 avril, lors de la traditionnelle annonce de la sélection. – LÉA ANDRÉ-SARREAU 

 

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