« Bergers » de Sophie Deraspe : un apprenti dans la bergerie

Adaptation enlevée du roman autobiographique de Mathyas Lefebure, le nouveau long métrage de la Québécoise Sophie Deraspe (Antigone) recompose le parcours infiniment sensuel d’un apprenti berger. Un coming-of-age au diapason d’une nature impétueuse.


Bergers
© Pyramide Distribution

Jeune publicitaire ayant précipitamment quitté son Québec natal, Mathyas (Félix-Antoine Duval) débarque en Provence avec l’intention de devenir berger. Sa relation théorique et, en bien des endroits, idéaliste au métier va se heurter à des réalités bien plus âpres, entre périls écologiques, peur du loup et frictions économiques. Car c’est la tête pleine de mots – ceux, virulents, qu’il envoie à son ancienne boîte pour démissionner, ceux qu’il maniait jusque-là avec aisance pour promouvoir des produits – qu’il prend ce tournant.

À mesure que progresse son ascension dans les alpages, cette voix intérieure se métamorphose, passe par de vastes nappes de silence, se mêle au tintement des mille clochettes des brebis, au bruissement de la course vive du chien qui les rassemble, et amène le berger à une écriture riche de son apprentissage. Car l’heure n’est plus à intellectualiser mais à rassembler un troupeau sans perdre une seule bête, mouvements d’une vie nomade et imprévisible que le film saisit souvent en prises uniques.

C’est dans cette immédiateté sans filet et cette patience à se couler dans un environnement qui dicte son rythme que Bergers trouve son souffle. Comme dans la manière dont Mathyas adopte un autre rapport aux mots, plus en prise avec un monde sensible et (pour l’heure, encore) incontrôlable. Un voyage initiatique auquel Sophie Desrape donne corps avec une grande humilité et en un vrai sens du travail collectif, annoncé par la forme plurielle du titre.

Bergers de Sophie Deraspe, sortie le 9 avril, Pyramides (1 h 53)